Cheveux gris, voulez-vous vous taire ! Oh ! mes quarante ans, taisez-vous ! Ce soleil d’or, baignant la terre, Fait de la jeunesse pour tous. Est-ce l’oiseau, qui met des ailes A mes reins hier si pesants. Salut ! mes sœurs les hirondelles, Aujourd’hui, je n’ai que quinze ans !
Des soucis, faisons table rase Cherchons les horizons subits. Quoi ! je puis au vin de l’extase Tremper mon morceau de pain bis ? Quoi ! je puis, à ma fantaisie Dénicher les refrains naissants Et gaminer la poésie... Aujourd’hui, je n’ai que quinze ans !
C’est donc vrai, que la cendre couve Si longtemps le feu du matin ? Oh ! quel bonheur ! je me retrouve, Moi, qui disais : je suis éteint ! Eclate flamme et te déploie Siècles, voyez ! voyez, passants ! j’ai rallumé mon feu de joie, Aujourd’hui, je n’ai que quinze ans !
Dans ce ravin se creuse un porche, Là, ma muse balbutia. En y descendant, je m’écorche Aux ongles de l’acacia, Mon corps roule et mon esprit flotte Dans les éthers éblouissants... Bon ! j’ai déchiré ma culotte. Aujourd’hui, je n’ai que quinze ans !
Philosophe à l’âme indiscrète, Soleil, vais-je t’interroger Comme on fait d’une pâquerette, Pétale à pétale, et songer ? Non ! mais comme un collier j’égrène Tous mes souvenirs séduisants : Chérubin rêve à sa marraine. Aujourd’hui, je n’ai que quinze ans !
Ah ! dans les herbes les plus frêles, Je sens la vie et le baiser Je vois les fleurs s’aimer entr'elles ; Je vois les rayons s’épouser Velours des prés, soyez ma couche ! Et, pour m’ouvrir l’âme et les sens, Nature, un baiser sur ta bouche ! Aujourd’hui, je n’ai que quinze ans !