Laurence Hansen-Löve IEP Paris 5 sujets corrigés SOMMAIRE Explication d'un texte de Montesquieu sur la justice ........................................ 2 I. Première lecture ................................................ 3 II. Les objections................... 6 III. Seconde lecture 9 L’ordre politique exclut-il la violence ?........................................................13 I. De fait, l’ordre politique n’exclut pas la violence ........................................ 13 II. En droit, l’ordre politique vise la réduction de la violence............................. 15 III. L’ordre politique n’exclut pas la violence ni en fait ni en droit, il ne peut que l’encadrer .......................................................... 17 L’incertitude démocratique ......................................................................19 I. L’incertitude, condition de la démocratie................. 19 II. L’incernséquence de la démocratie............ 22 III. De l’incertitude redoutée à l’incertitude assumée...... 25 « S’il y avait un peuple de Dieux, il se gouvernerait démocratiquement. Un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes ».................................27 I. Elucidation de la formule ..................................... 28 II. La solution de Rousseau...... 29 III. Aussi imparfaite soit-elle, la démocratie reste le moins mauvais des régimes ..... 30 Peut-on forcer quelqu’un à être libre ?.........................................
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SOMMAIRE
Explication d'un texte de Montesquieu sur la justice ........................................ 2 I. Première lecture ................................................................................ 3 II. Les objections................................................................................... 6 III. Seconde lecture................................................................................ 9
Lordre politique exclut-il la violence ?........................................................13 I. De fait, lordre politique nexclut pas la violence........................................ 13 II. En droit, lordre politique vise la réduction de la violence............................. 15 III. Lordre politique nexclut pas la violence ni en fait ni en droit, il ne peut que lencadrer .......................................................................................... 17
Lincertitude démocratique ......................................................................19 I. Lincertitude, condition de la démocratie .................................................19 II. Lincertitude, conséquence de la démocratie ............................................22 III. De lincertitude redoutée à lincertitude assumée......................................25
Sil y avait un peuple de Dieux, il se gouvernerait démocratiquement. Un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes ».................................27 I. Elucidation de la formule .....................................................................28 II. La solution de Rousseau ......................................................................29 III. Aussi imparfaite soit-elle, la démocratie reste le moins mauvais des régimes .....30
Peut-on forcer quelquun à être libre ?........................................................33 I. On peut délivrer quelquun de force........................................................ 33 II. En toute rigueur on ne peut forcer personne à être libre...............................34 III. On peut inciter quelquun à être libre ....................................................35
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Explication de texte de Montesquieu sur la justice
Expliquez et commentez cette pensée de Montesquieu:quil ny a rien de Dire juste ni dinjuste que ce quordonnent ou défendent les lois positives, cest dire quavant quon eût tracé le cercle, tous les rayons nétaient pas égaux ».
LEsprit des lois, I, 1. (1748).Nota bene: il sagit dune analogie entre dune part lIdée de cercle et le cercle tracé, et dautre part lIdée de justice et la justice écrite - propre à chaque nation. Montesquieu dénonce une absurdité : croire que la justice se limite au droit positif, cest comme croire quavant quon eût tracé le cercle, les rayons nétaient pas égaux.)
Introduction
Aujourdhui, tout comme à lépoque de Socrate et de Platon, nombreux sont les philosophes (ou les politiques) qui soutiennent que la justice universelle» est une fiction, et que son évocation nest en vérité quun alibi destiné à justifier de nouvelles formes dingérence de lOccident dans les affaires des autres nations. A lépoque de Socrate, ce sont les sophistes qui ont décrété les premiers que lhomme est la mesure de toute chose » (Protagoras) et que, par conséquent, le bien, la justice, la vérité étaient à géométrie variable. Platon, dans la lignée de Socrate, a élaboré un audacieux système métaphysique pour prouver quil existe des valeurs indépendantes de la volonté des hommes ( Lhomme nest pas la mesure de toute chose »). La citation de Montesquieu que nous avons à expliquer et à commenter ici semble relever dune métaphysique sinon platonicienne, en tout cas idéaliste. On peut sen étonner puisque lon sait que lapproche de lauteur de lEsprit des lois estconsidérée habituellement comme positiviste »,donc diamétralement opposée à celle dun Platon ou dun moraliste (tel que Kant, par exemple).
On se demandera donc si le platonisme de Montesquieu est avéré, et sil est cohérent avec lapproche plus généralement empiriste de lauteur lEsprit des lois. Il faudra également répondre aux objections des philosophes empiristes, ou même relativistes, qui soutiennent aujourdhui encore, dans le droit fil de Protagoras, que lhomme est la seule source des normes et des valeurs auxquelles il se soumet volontairement. La justice, tout comme le cercle, ne serait-elle dans ce cas quune libre construction de lesprit humain, dépourvue de tout arrière plan transcendant? Une simple convention? Ou bien au contraire, la justice est-elle, tout comme le cercle, une forme intelligible (un rapport de convenance») dont la structure est indépendante de la volonté des hommes ?
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I. Première lecture
Nous proposons en première lecture une interprétation immédiate, voire naïve, de la thèse de Montesquieu.
1. Une affirmation idéaliste et polémique
Une affirmation idéaliste » : Montesquieu admet ici lexistence dIdées quiprécèderaient les réalités sensibles correspondantes ; celles-ci nen seraient que les applications, les dérivés, les ersatz. De même que lidée de cercle précède le cercle dessiné ou matérialisé (sous la forme dune sphère par exemple ou celle dune circonférence), de même lIdée de Justiceprécède les lois positives ( positives » signifie ici : de fait », posé en fait, du latin positus», posé). Les lois positives sont les lois particulières, propres à chaque nation. Ce sont ces lois, précisément, dont Montesquieu a étudié l Esprit » dans louvrage dont cette citation est issue. On remarque que cette prise de position idéaliste surprend de la part dun auteur considéré généralement comme lun des inspirateurs de la science politique moderne, scientifique et donc positiviste.
Une affirmation polémique: Montesquieu combat les positions empiristes (seule lexpérience nous enseigne les règles de vie »), sceptiques ( il nexiste aucune norme objective ni absolue »), relativistes ( lhomme est la mesure de toute chose » (Protagoras). Tout comme Kant (après lui), et comme Platon (avant lui), il combat la sophistique mais aussi le sens commun qui déclare : toutes les opinions se valent, toutes les cultures se valent, toutes les traditions ont leur justification et leur légitimité à condition que nous les replacions dans leur contexte ». Par exemple: le cannibalisme sexplique et peut se comprendre dans son contexte» (cf. le fameux texte de Montaigne sur Les cannibales »), les jeux du cirque, cétait normal pour un romain », et lexcision aujourdhui : cest acceptable et inévitable pour une femme qui a été élevée suivant ce type de traditions ».
2. Une thèse platonicienne
Sur ce point Montesquieu est platonicien. Platon a développé sa théorie de Idées pour invalider les positions des sophistes, qui estimaient quil ny avait aucune vérité objective, et que le bien et le mal variaient dune société et même dune cité à lautre. Pascal, on le sait, reprendra cette idée, mais sur le mode ironique : Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà. Plaisante justice quune rivière borne ».