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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 320 |
EAN13 | 9782824709703 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
EUGÉN I E GRAN DET
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
EUGÉN I E GRAN DET
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0970-3
BI BEBO OK
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encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.A MARIA,
e v otr e nom, v ous dont le p ortrait est le plus b el or nement
de cet ouv rag e , soit ici comme une branche de buis bénit,
prise on ne sait à quel arbr e , mais certainement sanctifié e p ar
la r eligion et r enouv elé e , toujour s v erte , p ar des mains
pieuses, p our pr otég er la maison.
DE BALZA C.
dans certaines pr o vinces des maisons dont la v ue
inspir e une mélancolie ég ale à celle que pr o v o quent les cloîtr es lesI plus sombr es, les landes les plus ter nes ou les r uines les plus
tristes. Peut-êtr e y a-t-il à la fois dans ces maisons et le silence du cloîtr e
et l’aridité des landes et les ossements des r uines. La vie et le mouv
ement y sont si tranquilles qu’un étrang er les cr oirait inhabité es, s’il ne
r encontrait tout à coup le r eg ard pâle et fr oid d’une p er sonne immobile
dont la figur e à demi monastique dép asse l’appui de la cr oisé e , au br uit
d’un p as inconnu. Ces princip es de mélancolie e xistent dans la phy
sionomie d’un logis situé à Saumur , au b out de la r ue montueuse qui mène
au châte au, p ar le haut de la ville . Cee r ue , maintenant p eu fré quenté e ,
1Eug énie Grandet Chapitr e
chaude en été , fr oide en hiv er , obscur e en quelques endr oits, est r
emarquable p ar la sonorité de son p etit p avé caillouteux, toujour s pr opr e et se c,
p ar l’étr oitesse de sa v oie tortueuse , p ar la p aix de ses maisons qui app
artiennent à la vieille ville , et que dominent les r emp arts. D es habitations
tr ois fois sé culair es y sont encor e solides quoique constr uites en b ois, et
leur s div er s asp e cts contribuent à l’ originalité qui r e commande cee p
artie de Saumur à l’aention des antiquair es et des artistes. Il est difficile
de p asser de vant ces maisons, sans admir er les énor mes madrier s dont
les b outs sont taillés en figur es bizar r es et qui cour onnent d’un bas-r elief
noir le r ez-de-chaussé e de la plup art d’ entr e elles. Ici, des piè ces de b ois
transv er sales sont couv ertes en ardoises et dessinent des lignes bleues
sur les frêles murailles d’un logis ter miné p ar un toit en colombag e que
les ans ont fait plier , dont les barde aux p our ris ont été tordus p ar
l’action alter nativ e de la pluie et du soleil. Là se présentent des appuis de
fenêtr e usés, noir cis, dont les délicates sculptur es se v oient à p eine , et qui
semblent tr op lég er s p our le p ot d’ar gile br une d’ où s’élancent les œillets
ou les r osier s d’une p auv r e ouv rièr e . P lus loin, c’ est des p ortes g ar nies de
clous énor mes où le g énie de nos ancêtr es a tracé des hiér ogly phes
domestiques dont le sens ne se r etr ouv era jamais. T antôt un pr otestant y a
signé sa foi, tantôt un ligueur y a maudit Henri I V . elque b our g e ois y
a gravé les insignes de sa noblesse de cloches , la gloir e de son é che vinag e
oublié . L’Histoir e de France est là tout entièr e . A côté de la tr emblante
maison à p ans hourdés où l’artisan a déifié son rab ot, s’élè v e l’hôtel d’un
g entilhomme où sur le plein-cintr e de la p orte en pier r e se v oient encor e
quelques v estig es de ses ar mes, brisé es p ar les div er ses ré v olutions qui
depuis 1789 ont agité le p ay s. D ans cee r ue , les r ez-de-chaussé e
commer çants ne sont ni des b outiques ni des mag asins, les amis du mo y
enâg e y r etr ouv eraient l’ ouv r ouèr e de nos pèr es en toute sa naïv e simplicité .
Ces salles basses, qui n’ ont ni de vantur e , ni montr e , ni vitrag es, sont pr
ofondes, obscur es et sans or nements e xtérieur s ou intérieur s. Leur p orte
est ouv erte en deux p arties pleines, gr ossièr ement f er ré es, dont la sup
érieur e se r eplie intérieur ement, et dont l’inférieur e ar mé e d’une sonnee
à r essort va et vient constamment. L’air et le jour ar riv ent à cee espè ce
d’antr e humide , ou p ar le haut de la p orte , ou p ar l’ esp ace qui se tr ouv e
entr e la v oûte , le plancher et le p etit mur à hauteur d’appui dans le quel
2Eug énie Grandet Chapitr e
s’ encastr ent de solides v olets, ôtés le matin, r emis et maintenus le soir
av e c des bandes de fer b oulonné es. Ce mur sert à étaler les mar chandises
du nég o ciant. Là , nul charlatanisme . Suivant la natur e du commer ce , les
é chantillons consistent en deux ou tr ois baquets pleins de sel et de mor ue ,
en quelques p aquets de toile à v oile , des cordag es, du laiton p endu aux
soliv es du plancher , des cer cles le long des mur s, ou quelques piè ces de
drap sur des ray ons. Entr ez ? Une fille pr opr e , pimp ante de jeunesse , au
blanc fichu, aux bras r oug es quie son tricot, app elle son pèr e ou sa mèr e
qui vient et v ous v end à v os souhaits, flegmatiquement, complaisamment,
ar r og amment, selon son caractèr e , soit p our deux sous, soit p our vingt
mille francs de mar chandise . V ous v er r ez un mar chand de mer rain
assis à sa p orte et qui tour ne ses p ouces en causant av e c un v oisin, il ne
p ossède en app ar ence que de mauvaises planches à b outeilles et deux ou
tr ois p aquets de laes ; mais sur le p ort son chantier plein four nit tous
les tonnelier s de l’ Anjou ; il sait, à une planche près, combien il peut de
tonne aux si la ré colte est b onne ; un coup de soleil l’ enrichit, un temps de
pluie le r uine : en une seule matiné e , les p oinçons valent onze francs ou
tomb ent à six liv r es. D ans ce p ay s, comme en T ouraine , les vicissitudes
de l’atmosphèr e dominent la vie commer ciale . Vigner ons, pr opriétair es,
mar chands de b ois, tonnelier s, aub er gistes, marinier s sont tous à l’affût
d’un ray on de soleil ; i ls tr emblent en se couchant le soir d’appr endr e
le lendemain matin qu’il a g elé p endant la nuit ; ils r e doutent la pluie ,
le v ent, la sé cher esse , et v eulent de l’ e au, du chaud, des nuag es, à leur
fantaisie . Il y a un duel constant entr e le ciel et les intérêts ter r estr es. Le
bar omètr e ariste , déride , ég aie tour à tour les phy sionomies. D’un b out à
l’autr e de cee r ue , l’ancienne Grand’r ue de Saumur , ces mots : V oilà un
temps d’ or ! se chiffr ent de p orte en p orte . A ussi chacun rép ond-il au v
oisin : Il pleut des louis, en sachant ce qu’un ray on de soleil, ce qu’une pluie
opp ortune lui en app orte . Le same di, v er s midi, dans la b elle saison, v ous
n’ obtiendriez p as p our un sou de mar chandise chez ces brav es industriels.
Chacun a sa vigne , sa closerie , et va p asser deux jour s à la camp agne . Là ,
tout étant pré v u, l’achat, la v ente , le pr ofit, les commer çants se tr ouv ent
av oir dix heur es sur douze à emplo y er en jo y euses p arties, en obser
vations, commentair es, espionnag es continuels. Une ménagèr e n’achète p as
une p erdrix sans que les v oisins ne demandent au mari si elle était cuite
3Eug énie Grandet Chapitr e
à p oint. Une jeune fille ne met p as la tête à sa fenêtr e sans y êtr e v ue p ar
tous les gr oup es ino ccup és. Là donc les consciences sont à jour , de même
que ces maisons imp énétrables, noir es et silencieuses n’ ont p oint de my
stèr es. La vie est pr esque toujour s en plein a