La lecture à portée de main
Description
Informations
Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 197 |
EAN13 | 9782824710143 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
LE P ÈRE GORIO T
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
LE P ÈRE GORIO T
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1014-3
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
Except where otherwise noted, this work is licensed under
h tt p : / / c r e a ti v e c o m m on s . or g / l i c e n s e s / b y - s a / 3 . 0 /
Lir e la licence
Cee œuv r e est publié e sous la licence CC-BY -SA, ce qui
signifie que v ous p ouv ez lég alement la copier , la r e
distribuer , l’ env o y er à v os amis. V ous êtes d’ailleur s
encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.LE P ÈRE GORIO T
Comme un témoignag e d’admiration de ses travaux et de son
g énie .
DE BALZA C.
V , de Conflans, est une vieille femme qui,
depuis quarante ans, tient à Paris une p ension b our g e oise éta-M blie r ue Neuv e-Sainte-Gene viè v e , entr e le quartier latin et le
faub our g Saint-Mar ce au. Cee p ension, connue sous le nom de la Maison
V auquer , admet ég alement des hommes et des femmes, des jeunes g ens
et des vieillards, sans que jamais la mé disance ait aaqué les mœur s de
ce r esp e ctable établissement. Mais aussi depuis tr ente ans ne s’y était-il
jamais v u de jeune p er sonne , et p our qu’un jeune homme y demeur e , sa
famille doit-elle lui fair e une bien maigr e p ension. Né anmoins, en 1819,
ép o que à laquelle ce drame commence , il s’y tr ouvait une p auv r e jeune
fille . En quelque discré dit que soit tombé le mot drame p ar la manièr e
abusiv e et tortionnair e dont il a été pr o digué dans ces temps de
doulour euse liératur e , il est né cessair e de l’ emplo y er ici : non que cee
histoir e soit dramatique dans le sens v rai du mot ; mais, l’ œuv r e accomplie ,
p eut-êtr e aura-t-on v er sé quelques lar mes intra muros et extra . Sera-t-elle
1Le pèr e Goriot Chapitr e
comprise au delà de Paris ? le doute est p er mis. Les p articularités de cee
scène pleine d’ obser vations et de couleur s lo cales ne p euv ent êtr e
apprécié es qu’ entr e les bues de Montmartr e et les hauteur s de Montr oug e ,
dans cee illustr e vallé e de plâtras incessamment près de tomb er et de
r uisse aux noir s de b oue ; vallé e r emplie de souffrances ré elles, de joies
souv ent fausses, et si ter riblement agité e qu’il faut je ne sais quoi d’ e x
orbitant p our y pr o duir e une sensation de quelque duré e . Cep endant il s’y
r encontr e çà et là des douleur s que l’agglomération des vices et des v
ertus r end grandes et solennelles : à leur asp e ct, les ég oïsmes, les intérêts,
s’ar rêtent et s’apitoient ; mais l’impr ession qu’ils en r e çoiv ent est comme
un fr uit sav our eux pr omptement dé v oré . Le char de la civilisation,
semblable à celui de l’idole de Jagg er nat, à p eine r etardé p ar un cœur moins
facile à br o y er que les autr es et qui enray e sa r oue , l’a brisé bientôt et
continue sa mar che glorieuse . Ainsi fer ez-v ous, v ous qui tenez ce liv r e
d’une main blanche , v ous qui v ous enfoncez dans un mo elleux fauteuil
en v ous disant : Peut-êtr e ce ci va-t-il m’amuser . Après av oir lu les
secrètes infortunes du pèr e Goriot, v ous dîner ez av e c app étit en meant
v otr e insensibilité sur le compte de l’auteur , en le tax ant d’ e x ag ération,
en l’accusant de p o ésie . Ah ! sachez-le : ce drame n’ est ni une fiction, ni
un r oman. All is true , il est si véritable , que chacun p eut en r e connaîtr e
les éléments chez soi, dans son cœur p eut-êtr e .
La maison où s’ e xploite la p ension b our g e oise app artient à madame
V auquer . Elle est situé e dans le bas de la r ue Neuv e-Sainte-Gene viè v e , à
l’ endr oit où le ter rain s’abaisse v er s la r ue de l’ Arbalète p ar une p ente si
br usque et si r ude que les che vaux la montent ou la descendent rar ement.
Cee cir constance est fav orable au silence qui règne dans ces r ues ser ré es
entr e le dôme du V al-de-Grâce et le dôme du Panthé on, deux monuments
qui chang ent les conditions de l’atmosphèr e en y jetant des tons jaunes, en
y assombrissant tout p ar les teintes sé vèr es que pr ojeent leur s coup oles.
Là , les p avés sont se cs, les r uisse aux n’ ont ni b oue ni e au, l’herb e cr oît
le long des mur s. L’homme le plus insouciant s’y ariste comme tous
les p assants, le br uit d’une v oitur e y de vient un é vénement, les maisons
y sont mor nes, les murailles y sentent la prison. Un Parisien ég aré ne
v er rait là que des p ensions b our g e oises ou des Institutions, de la misèr e
ou de l’ ennui, de la vieillesse qui meurt, de la jo y euse jeunesse contrainte
2Le pèr e Goriot Chapitr e
à travailler . Nul quartier de Paris n’ est plus hor rible , ni, disons-le , plus
inconnu. La r ue Neuv e-Sainte-Gene viè v e surtout est comme un cadr e de
br onze , le seul qui convienne à ce ré cit, auquel on ne saurait tr op prép ar er
l’intellig ence p ar des couleur s br unes, p ar des idé es grav es ; ainsi que , de
mar che en mar che , le jour diminue et le chant du conducteur se cr euse ,
alor s que le v o yag eur descend aux Catacomb es. Comp araison v raie ! i
dé cidera de ce qui est plus hor rible à v oir , ou des cœur s dessé chés, ou des
crânes vides ?
La façade de la p ension donne sur un jardinet, en sorte que la
maison tomb e à angle dr oit sur la r ue Neuv e-Sainte-Gene viè v e , où v ous la
v o y ez coup é e dans sa pr ofondeur . Le long de cee façade , entr e la
maison et le jardinet, règne un cailloutis en cuv ee , lar g e d’une toise , de vant
le quel est une allé e sablé e , b ordé e de g éraniums, de laurier s-r oses et de
gr enadier s plantés dans de grands vases en faïence bleue et blanche . On
entr e dans cee allé e p ar une p orte bâtarde , sur monté e d’un é crite au sur
le quel est é crit : MAISON- V A UQU ER, et dessous : Pension bourgeoise des
deux sexes et autres. Pendant le jour , une p orte à clair e-v oie , ar mé e d’une
sonnee criarde , laisse ap er ce v oir au b out du p etit p avé , sur le mur
opp osé à la r ue , une ar cade p einte en marbr e v ert p ar un artiste du quartier .
Sous le r enfoncement que simule cee p eintur e , s’élè v e une statue r
eprésentant l’ Amour . A v oir le v er nis é caillé qui la couv r e , les amateur s de
sy mb oles y dé couv riraient p eut-êtr e un mythe de l’amour p arisien qu’ on
guérit à quelques p as de là . Sous le so cle , cee inscription à demi effacé e
rapp elle le temps auquel r emonte cet or nement p ar l’ enthousiasme dont
il témoigne p our V oltair e , r entré dans Paris en 1777 :
i que tu sois, v oici ton maîtr e :
Il l’ est, le fut, ou le doit êtr e .
A la nuit tombante , la p orte à clair e-v oie est r emplacé e p ar une p orte
pleine . Le jardinet, aussi lar g e que la façade est longue , se tr ouv e encaissé
p ar le mur de la r ue et p ar le mur mito y en de la maison v oisine , le long de
laquelle p end un mante au de lier r e qui la cache entièr ement, et air e les
y eux des p assants p ar un effet pior esque dans Paris. Chacun de ces mur s
est tapissé d’ esp alier s et de vignes dont les fr uctifications grêles et p
oudr euses sont l’ objet des craintes annuelles de madame V auquer et de ses
3Le pèr e Goriot Chapitr e
conv er sations av e c les p ensionnair es. Le long de chaque muraille , règne
une étr oite allé e qui mène à un couv ert de tilleuls, mot que madame V
auquer , quoique né e de Conflans, pr ononce obstinément tieuilles , malgré les
obser vations grammaticales de ses hôtes. Entr e les deux allé es latérales
est un car ré d’artichauts flanqué d’arbr es fr uitier s en quenouille , et b ordé