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Publié par | bibebook |
Publié le | 14 janvier 2013 |
Nombre de lectures | 129 |
EAN13 | 9782824710686 |
Licence : |
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Langue | Français |
Extrait
ALP HONSE D A U DET
LET T RES DE MON
MOU LI N
BI BEBO O KALP HONSE D A U DET
LET T RES DE MON
MOU LI N
1887
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1068-6
BI BEBO OK
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1A MA F EMME
2A V AN T -P ROPOS
Honorat Grap azi, notair e à la résidence de
Pamp érig ouste ,P « A comp ar u
« Le sieur Gasp ard Mitifio , ép oux de Viv ee Cor nille , ménag er au lieudit
des Cig alièr es et y demeurant :
« Le quel p ar ces présentes a v endu et transp orté sous les g aranties de
dr oit et de fait, et en franchise de toutes dees, privilèg es et hy p othè ques,
« A u sieur Alphonse D audet, p oète , demeurant à Paris, à ce présent et
ce acceptant,
« Un moulin à v ent et à farine , sis dans la vallé e du Rhône , au plein
cœur de Pr o v ence , sur une côte b oisé e de pins et de chênes v erts ; étant
le dit moulin abandonné depuis plus de vingt anné es et hor s d’état de
moudr e , comme il app ert des vignes sauvag es, mousses, r omarins, et
autr es v erdur es p arasites qui lui grimp ent jusqu’au b out des ailes ;
« Ce nonobstant, tel qu’il est et se comp orte , av e c sa grande r oue
cassé e , sa plate-for me où l’herb e p ousse dans les briques, dé clar e le sieur
D audet tr ouv er le dit moulin à sa conv enance et p ouvant ser vir à ses
travaux de p o ésie , l’accepte à ses risques et p érils, et sans aucun r e cour s
contr e le v endeur , p our cause de rép arations qui p our raient y êtr e faites.
3Ler es de mon moulin Chapitr e
« Cee v ente a lieu en blo c mo y ennant le prix conv enu, que le sieur
D audet, p oète , a mis et dép osé sur le bur e au en espè ces de cour s, le quel
prix a été de suite touché et r etiré p ar le sieur Mitifio , le tout à la v ue des
notair es et des témoins soussignés, dont quiance sous réser v e .
« A cte fait à Pamp érig ouste , en l’étude Honorat, en présence de
Francet Mamaï, joueur de fifr e , et de Louiset dit le ique , p orte-cr oix des
p énitents blancs ;
« i ont signé av e c les p arties et le notair e après le ctur e . . . »
n
4I NST ALLA T ION.
lapins qui ont été étonnés !. . . D epuis si longtemps
qu’ils v o yaient la p orte du moulin fer mé e , les mur s et la plate-C for me envahis p ar les herb es, ils avaient fini p ar cr oir e que la race
des meunier s était éteinte , et, tr ouvant la place b onne , ils en avaient fait
quelque chose comme un quartier g énéral, un centr e d’ op érations
stratégiques : le moulin de Jemmap es des lapins. . . La nuit de mon ar rivé e ,
il y en avait bien, sans mentir , une vingtaine assis en r ond sur la
platefor me , en train de se chauffer les p aes à un ray on de lune . . . Le temps
d’ entr ouv rir une lucar ne , fr rt ! v oilà le biv ouac en dér oute , et tous ces p
etits der rièr es blancs qui détalent, la queue en l’air , dans le four ré . J’ espèr e
bien qu’ils r e viendr ont.
elqu’un de très étonné aussi, en me v o yant, c’ est le lo catair e du
pr emier , un vieux hib ou sinistr e , à tête de p enseur , qui habite le moulin
depuis plus de vingt ans. Je l’ai tr ouvé dans la chambr e du haut, immobile
et dr oit sur l’arbr e de couche , au milieu des plâtras, des tuiles tombé es. Il
m’a r eg ardé un moment av e c son œil r ond ; puis, tout effaré de ne p as me
r e connaîtr e , il s’ est mis à fair e : « Hou ! hou ! » et à se couer p éniblement
ses ailes grises de p oussièr e ; — ces diables de p enseur s ! ça ne se br osse
jamais. . . N’imp orte ! tel qu’il est, av e c ses y eux clignotants et sa mine
5Ler es de mon moulin Chapitr e
r enfr ogné e , ce lo catair e silencieux me plaît encor e mieux qu’un autr e , et
je me suis empr essé de lui r enouv eler son bail. Il g arde comme dans le
p assé tout le haut du moulin av e c une entré e p ar le toit ; moi je me
réser v e la piè ce du bas, une p etite piè ce blanchie à la chaux, basse et v oûté e
comme un réfe ctoir e de couv ent.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . .
C’ est de là que je v ous é cris, ma p orte grande ouv erte , au b on soleil.
Un joli b ois de pins tout étincelant de lumièr e dégring ole de vant moi
jusqu’au bas de la côte . A l’horizon, les Alpilles dé coup ent leur s crêtes
fines. . . Pas de br uit. . . A p eine , de loin en loin, un son de fifr e , un courlis
dans les lavandes, un gr elot de mules sur la r oute . . . T out ce b e au p ay sag e
pr o v ençal ne vit que p ar la lumièr e .
Et maintenant, comment v oulez-v ous que je le r egr ee , v otr e Paris
br uyant et noir ? Je suis si bien dans mon moulin ! C’ est si bien le coin que
je cher chais, un p etit coin p arfumé et chaud, à mille lieues des jour naux,
des fiacr es, du br ouillard !. . . Et que de jolies choses autour de moi ! Il y a à
p eine huit jour s que je suis installé , j’ai déjà la tête b our ré e d’impr essions
et de souv enir s. . . T enez ! p as plus tard qu’hier soir , j’ai assisté à la r entré e
des tr oup e aux dans un mas (une fer me ) qui est au bas de la côte , et je
v ous jur e que je ne donnerais p as ce sp e ctacle p our toutes les premières
que v ous av ez eues à Paris cee semaine . Jug ez plutôt.
Il faut v ous dir e qu’ en Pr o v ence , c’ est l’usag e , quand viennent les
chaleur s, d’ env o y er le bétail dans les Alp es. Bêtes et g ens p assent cinq ou six
mois là-haut, log és à la b elle étoile , dans l’herb e jusqu’au v entr e ; puis, au
pr emier frisson de l’automne , on r e descend au mas , et l’ on r e vient br
outer b our g e oisement les p etites collines grises que p arfume le r omarin. . .
D onc hier soir les tr oup e aux r entraient. D epuis le matin, le p ortail
aendait, ouv ert à deux baants ; les b er g eries étaient pleines de p aille fraîche .
D’heur e en heur e on se disait : « Maintenant, ils sont à Ey guièr es,
maintenant au Paradou. » Puis, tout à coup , v er s le soir , un grand cri : « Les
v oilà ! » et là-bas, au lointain, nous v o y ons le tr oup e au s’avancer dans une
gloir e de p oussièr e . T oute la r oute semble mar cher av e c lui. . . Les vieux
bélier s viennent d’ab ord, la cor ne en avant, l’air sauvag e ; der rièr e eux
6Ler es de mon moulin Chapitr e
le gr os des moutons, les mèr es un p eu lasses, leur s nour rissons dans les
p aes ; — les mules à p omp ons r oug es p ortant dans des p anier s les
agnelets d’un jour qu’ elles b er cent en mar chant ; puis les chiens tout suants,
av e c des langues jusqu’à ter r e , et deux grands co quins de b er g er s drap és
dans des mante aux de cadis r oux qui leur tomb ent sur les talons comme
des chap es.
T out cela défile de vant nous jo y eusement et s’ eng ouffr e sous le p
ortail, en piétinant av e c un br uit d’av erse . . . Il faut v oir quel émoi dans la
maison. Du haut de leur p er choir , les gr os p aons v ert et or , à crête de
tulle , ont r e connu les ar rivants et les accueillent p ar un for midable coup
de tr omp ee . Le p oulailler , qui s’ endormait, se ré v eille en su