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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 720 |
EAN13 | 9782824710341 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
P I ERRE GRASSOU
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
P I ERRE GRASSOU
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1034-1
BI BEBO OK
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compris à Bib eb o ok.P I ERRE GRASSOU
A U LI EU T ENAN T -COLON EL D’ ART I LLERI E
P ERIOLLAS, Comme un témoignag e de l’affe ctueuse estime de
l’auteur ,
DE BALZA C.
que v ous êtes sérieusement allé v oir l’Exp osition
des ouv rag es de sculptur e et de p eintur e , comme elle a lieu de-T puis la Ré v olution de 1830, n’av ez-v ous p as été pris d’un
sentiment d’inquiétude , d’ ennui, de tristesse , à l’asp e ct des longues g aleries
encombré es ? D epuis 1830, le Salon n’ e xiste plus. Une se conde fois, le
Louv r e a été pris d’assaut p ar le p euple des artistes qui s’y est
maintenu. En offrant autr efois l’élite des œuv r es d’art, le Salon emp ortait les
plus grands honneur s p our les cré ations qui y étaient e xp osé es. Par mi les
deux cents table aux choisis, le public choisissait encor e : une cour onne
était dé cer né e au chef-d’ œuv r e p ar des mains inconnues. Il s’éle vait des
discussions p assionné es à pr op os d ’une toile . Les injur es pr o digué es à D
elacr oix, à Ingr es, n’ ont p as moins ser vi leur r enommé e que les élog es et
le fanatisme de leur s adhér ents. A ujourd’hui, ni la foule ni la Critique ne
se p assionner ont plus p our les pr o duits de ce bazar . Oblig é es de fair e le
1Pier r e Grassou Chapitr e
choix dont se char g e ait autr efois le Jur y d’ e x amen, leur aention se lasse
à ce travail ; et, quand il est ache vé , l’Exp osition se fer me . A vant 1817,
les table aux admis ne dép assaient jamais les deux pr emièr es colonnes de
la longue g alerie où sont les œuv r es des vieux maîtr es, et cee anné e ils
r emplir ent tout cet esp ace , au grand étonnement du public. Le Genr e
historique , le Genr e pr opr ement dit, les table aux de che valet, le Pay sag e , les
F leur s, les Animaux, et l’ A quar elle , ces huit sp é cialités ne sauraient offrir
plus de vingt table aux dignes des r eg ards du public, qui ne p eut accorder
son aention à une plus grande quantité d’ œuv r es. P lus le nombr e des
artistes allait cr oissant, plus le Jur y d’admission de vait se montr er
difficile . T out fut p erdu dès que le Salon se continua dans la Galerie . Le Salon
de vait r ester un lieu déter miné , r estr eint, de pr op ortions infle xibles, où
chaque Genr e e xp osait ses chefs-d’ œuv r e . U ne e xp érience de dix ans a
pr ouvé la b onté de l’ancienne institution. A u lieu d’un tour noi, v ous av ez
une émeute ; au lieu d’une Exp osition glorieuse , v ous av ez un tumultueux
bazar ; au lieu du choix, v ous av ez la totalité . ’ar riv e-t-il ? Le grand
artiste y p erd. Le Café Turc, les Enfants à la fontaine, le Supplice des crochets,
et le Joseph de D e camps eussent plus pr ofité à sa gloir e , tous quatr e dans
le grand Salon, e xp osés av e c les cent b ons table aux de cee anné e , que
ses vingt toiles p erdues p ar mi tr ois mille œuv r es, confondues dans six
g aleries. Par une étrang e bizar r erie , depuis que la p orte s’ ouv r e à tout
le monde , on p arle des g énies mé connus. and douze anné es aup
aravant, la Courtisane de Ingr es et celles de Sig alon, la Méduse de Géricault, le
Massacre de Scio de D elacr oix, le Baptême d’Henri IV p ar Eugène D e v
eria, admis p ar des célébrités tax é es de jalousie , appr enaient au monde ,
malgré les dénég ations de la Critique , l’ e xistence de p alees jeunes et
ardentes, il ne s’éle vait aucune plainte . Maintenant que le moindr e gâcheur
de toile p eut env o y er son œuv r e , il n’ est question que de g ens incompris.
Là où il n’y a plus jug ement, il n’y a plus de chose jug é e . oi que fassent
les artistes, ils r e viendr ont à l’ e x amen qui r e commande leur s œuv r es aux
admirations de la foule p our laquelle ils travaillent : sans le choix de l’ A -
cadémie , il n’y aura plus de Salon, et sans Salon l’ Art p eut p érir .
D epuis que le liv r et est de v enu un gr os liv r e , il s’y pr o duit bien des
noms qui r estent dans leur obscurité , malgré la liste de dix ou douze
table aux qui les accomp agne . Par mi ces noms, le plus inconnu p eut-êtr e
2Pier r e Grassou Chapitr e
est celui d’un artiste nommé Pier r e Grassou, v enu de Fougèr es, app elé
plus simplement Fougèr es dans le monde artiste , qui tient aujourd’hui
b e aucoup de place au soleil, et qui suggèr e les amèr es réfle xions p ar
lesquelles commence l’ esquisse de sa vie , applicable à quelques autr es
individus de la T ribu des Artistes. En 1832, Fougèr es demeurait r ue de
Navarin, au quatrième étag e d’une de ces maisons étr oites et hautes qui r
essemblent à l’ obélisque de Lux or , qui ont une allé e , un p etit escalier
obscur à tour nants dang er eux, qui ne comp ortent p as plus de tr ois fenêtr es à
chaque étag e , et à l’intérieur desquelles se tr ouv e une cour , ou, p our p
arler plus e x actement, un puits car ré . A u-dessus des tr ois ou quatr e piè ces
de l’app artement o ccup é p ar Grassou de Fougèr es s’étendait son atelier ,
qui avait v ue sur Montmartr e . L’atelier p eint en fond de briques, le
carr e au soigneusement mis en couleur br une et fr oé , chaque chaise munie
d’un p etit tapis b ordé , le canap é , simple d’ailleur s, mais pr opr e comme
celui de la chambr e à coucher d’une épicièr e , là , tout dénotait la vie
méticuleuse des p etits esprits et le soin d’un homme p auv r e . Il y avait une
commo de p our ser r er les effets d’atelier , une table à déjeuner , un buffet,
un se crétair e , enfin les ustensiles né cessair es aux p eintr es, tous rang és
et pr opr es. Le p oêle p articip ait à ce sy stème de soin hollandais, d’autant
plus visible que la lumièr e pur e et p eu chang e ante du nord inondait de son
jour net et fr oid cee immense piè ce . Fougèr es, simple p eintr e de Genr e ,
n’a p as b esoin des machines énor mes qui r uinent les p eintr es d’Histoir e ,
il ne s’ est jamais r e connu de facultés assez complètes p our ab order la
haute p eintur e , il s’ en tenait encor e au Che valet. A u commencement du
mois de dé cembr e de cee anné e , ép o que à laquelle les b our g e ois de Paris
conçoiv ent p ério diquement l’idé e burlesque de p er p étuer leur figur e , déjà
bien encombrante p ar elle-même , Pier r e Grassou, le vé de b onne heur e ,
prép arait sa p alee , allumait son p oêle , mang e ait une flûte tr emp é e dans
du lait, et aendait, p our travailler , que le dég el de ses car r e aux laissât
p asser le jour . Il faisait se c et b e au. En ce moment, l’artiste qui mang e ait
av e c cet air p atient et résigné qui dit tant de choses, r e connut le p as d’un
homme qui avait eu sur sa vie l’influence que ces sortes de g ens ont sur
celle de pr esque tous les artistes, d’Élias Magus, un mar chand de table aux,
l’usurier des toiles. En effet Élias Magus sur prit le p eintr e au moment où,
dans cet atelier si pr opr e , il allait se mer e à l’ ouv rag e .
3Pier r e Grassou Chapitr e
― Comment v ous va, vieux co quin ? lui dit le p eintr e .
Fougèr es avait eu la cr oix, Élias lui achetait ses table aux deux ou tr ois