Revue internationale de droit comparé - Année 2006 - Volume 58 - Numéro 3 - Pages 861-883 À l’origine plus ou moins inspiré par la Constitution des États-Unis mais aussi tributaire de considérations locales le régime institutionnel colombien se caractérise par une hypertrophie des pouvoirs du Président de la République. La Constitution de 1991, actuellement en vigueur, réaffirme le rôle central du Chef de l’État tout en encadrant ses attributions et revalorise les pouvoirs du Congrès. Pour y parvenir le constituant a réalisé une combinaison entre les différents modèles constitutionnels et tend à faire émerger un système politique sui generis associant des éléments du régime présidentiel et du régime Originally inspired by the United States Constitution with adaptations to take into account local considerations, the colombian system of government is characterised by the wide-ranging powers held by the President of the Republic. The current constitution, drawn up in 1991, reaffirms the central role of the head of state whilst defining his powers and extends the powers of the Congress. Colombia’s Constitution draws elements from several different constitutional models to produce a unique political system that combines elements of a presidential regime and a parliamentary regime. 23 pages Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.
LA COLOMBIE, UN RÉGIME PRÉSIDENTIEL EN TROMPE-LIL - DE LA TENTATION DU RÉGIME PARLEMENTAIRE Catherine FAIVRE ∗ À lorigine plus ou moins inspiré par la Constitution des États-Unis mais aussi tributaire de considérations locales le régime institutionnel colombien se caractérise par une hypertrophie des pouvoirs du Président de la République. La Constitution de 1991, actuellement en vigueur, réaffirme le rôle central du Chef de lÉtat tout en encadrant ses attributions et revalorise les pouvoirs du Congrès. Pour y parvenir le constituant a réalisé une combinaison entre les différents modèles constitutionnels et tend à faire émerger un système politique sui generis associant des éléments du régime présidentiel et du régime parlementaire. Originally inspired by the United States Constitution with adaptations to take into account local considerations, the colombian system of government is characterised by the wide-ranging powers held by the President of the Republic. The current constitution, drawn up in 1991, reaffirms the central role of the head of state whilst defining his powers and extends the powers of the Congress. Colombias Constitution draws elements from several different constitutional models to produce a unique political system that combines elements of a presidential regime and a parliamentary regime. Limage de la Colombie, renvoyant à la violence, au trafic de drogue et à la guérilla, telle quelle est véhiculée très largement par les médias 1 , occulte la réalité dun régime constitutionnel qui apparaît, à bien des égards, ∗ Docteur en droit public, chargée denseignements à lUniversité de Savoie 1 Ouencore par les études sociologiques, v. par ex. : D. PECAUT « Colombie : une paix insaisissable », PAL , 1999, n° 34, pp. 5-31 ; « Guerre, processus de paix, polarisation politique », PAL , 2002, n° 1044, pp.7-30 ; C. M. ORTIZ SARMIENTO, La violence en Colombie , Paris, LHarmattan, 1990. Lauteur prend pour base la période 1947-1965.
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comme une exception sur le continent sud-américain. En effet, à la différence des autres États, la Colombie na que très peu connu la dictature 2 et a bénéficié dune stabilité institutionnelle remarquable, la Constitution quelle sétait donnée en 1886 nayant été abrogée quen 1991. Cette longévité est à mettre au crédit de la souplesse du texte constitutionnel qui a permis de réaliser les desiderata des gouvernants ainsi que diverses adaptations aux évolutions de la société 3 . Néanmoins à partir du milieu des années soixante-dix les Présidents de la République successifs nont pu mener à bien leurs projets de révision en raison de lopposition du Congrès. Lexécutif usait exagérément des régimes dexception sans pour autant donner plus defficacité à son action et pour sa part le Congrès souffrait dun lourd discrédit lié notamment à la pratique clientéliste. Progressivement le déséquilibre entre les pouvoirs sest accru conduisant les institutions dans une impasse. Fin janvier 1988, le Président V. Barco Vargas se propose dorganiser un plébiscite pour créer un mécanisme de révision de la Constitution. Le parti conservateur, alors dans lopposition, y fait obstacle. Néanmoins, après un accord il est décidé que le plébiscite serait remplacé par un référendum convoqué par le Congrès. Mais cest un nouvel échec avec lannulation de cet accord par le Conseil dÉtat. En décembre 1989, au lendemain de lassassinat de trois candidats à la présidence, les organisations estudiantines réclament une nouvelle Constitution et proposent que la question de la convocation dune Assemblée constituante soit posée, en laissant à chaque électeur le soin de glisser un bulletin supplémentaire dans lenveloppe, lors des élections législatives et territoriales. Face au succès de ce vote officieux, le Président V. Barco Vargas inclut, cette fois de façon officielle, la question de la constituante dans le scrutin présidentiel. Le oui lemporte malgré une forte abstention. Élu Président de la République, C. Gaviria Trujillo, héritier de L. C. Galan Sarmiento, candidat à la présidence assassiné, prend acte de ce résultat et affirme avec force sa volonté de réunir une Assemblée constituante. Lélection de cette dernière a lieu en décembre 1990. La composition de cette C onstituyente reflète la volonté du Président den faire un instrument de dialogue avec les groupes violents de la société colombienne. Ainsi aux côtés des représentants des partis traditionnels se retrouvent des constituants appartenant au M-19 et à larmée populaire de libération (EPL) qui
2 À la différence dautres États dAmérique latine comme lArgentine, le Brésil, le Chili, le Paraguay pour ne citer que quelques ex. 3 J.-M. BLANQUER, « Les institutions à lépreuve de la pratique » in J.-M. BLANQUER et C. GROS (dir.), La Colombie à laube du troisième millénaire , Paris, Ed. de lIHEAL, 1996, p 87 et s.