Revue internationale de droit comparé - Année 2005 - Volume 57 - Numéro 1 - Pages 171-194 Après la disparition du système soviétique, la Fédération de Russie est en quête de nouvelles modalités de protection des citoyens face à l’administration. À la fin des années 1990, elle décide de se doter d’un ombudsman répondant aux exigences démocratiques défendues par le nouveau régime. La mise en place du commissaire aux droits de l’homme se présente alors comme un pas vers l’établissement de nouvelles relations entre l’administration et les administrés dans le sens d’un plus grand respect des droits de ces derniers. Après quelques années de pratique, le bilan d’activité du commissaire aux droits de l’homme apparaît cependant comme mitigé. L’efficacité d’une telle institution dépend certes des fonctions qui lui sont attribuées, mais aussi et surtout de l’écho dont bénéficient ses activités tant auprès du pouvoir en place qu’auprès des administrés eux-mêmes; sur ce second point, tout reste encore à faire, et la pérennité de l’institution ne sera assurée qu’au prix d’un changement important dans la vision générale des droits et des libertés. After the collapse of the Soviet Union, the Russian Federation tried to find new means to protect its citizens from bureaucracy. In the late 1990s, the Federation appointed an ombudsman who could meet the regime’s various demands for democracy. The appointment of a Human Rights Commissioner was regarded as a step forward promoting new relations between government and citizens with special emphasis on citizens’ rights. Now, after a few years’ try, it appears that the new institution is far from being a success. Success depends, obviously, on the jobs given to the institution, but the main success factor is the reputation the Human Rights Commissioner and his staff enjoy with the government and, for a greater part still, citizens. In this area everything remains to be done and the institution will not last very long unless the entire nation changes its perception of rights and freedom in a drastic manner. 24 pages Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.
R.I.D.C. 1-2005 LE COMMISSAIRE AUX DROITS DE LHOMME, PROTECTEUR DES DROITS DES CITOYENS DEVANT LADMINISTRATION EN RUSSIE Après la disparition du système soviétique, la Fédération de Russie est en quête de nouvelles modalités de protection des citoyens face à ladministration. À la fin des années 1990, elle décide de se doter dunombudsman aux exigences répondant démocratiques défendues par le nouveau régime. La mise en place du commissaire aux droits de lhomme se présente alors comme un pas vers létablissement de nouvelles relations entre ladministration et les administrés dans le sens dun plus grand respect des droits de ces derniers. Après quelques années de pratique, le bilan dactivité du commissaire aux droits de lhomme apparaît cependant comme mitigé. Lefficacité dune telle institution dépend certes des fonctions qui lui sont attribuées, mais aussi et surtout de lécho dont bénéficient ses activités tant auprès du pouvoir en place quauprès des administrés eux-mêmes ; sur ce second point, tout reste encore à faire, et la pérennité de linstitution ne sera assurée quau prix dun changement important dans la vision générale des droits et des libertés. After the collapse of the Soviet Union, the Russian Federation tried to find new means to protect its citizens from bureaucracy. In the late 1990s, the Federation appointed an ombudsman who could meet the regimes various demands for democracy. The appointment of a Human Rights Commissioner was regarded as a step forward promoting new relations between governmentand citizens with special emphasis on citizens rights. Now, after a few years try, it appears that the new institution is far from being a success. Success depends, obviously, on the jobs given to the institution, but the main success factor is the reputation the Human Rights Commissioner and his staff enjoy with the government and, for a greater part still, citizens. In this area everything remains to be done and the institution will not last very long unless the entire nation changes its perceptionof rights and freedom ina drastic manner. ∗Docteur en Droit.
172 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 1-2005 INTRODUCTION Devant limportance des pouvoirs de leur administration, nombreux sont les pays à sêtre dotés dun système de protection des administrés défini en fonction de leur tradition juridique et des exigences de leur régime politique. La Russie ne fait pas exception. Après avoir confié la protection des administrés à linstitution traditionnellement chargée du contrôle de la légalité de lactivité administrative, la Prokuratura1, la Russie engage une réflexion sur les droits des administrés après limplosion du système soviétique. Elle met alors en évidence le discrédit des institutions issues de lancien régime et la difficulté à assurer lindépendance de la Prokuratura face à lexécutif. À la recherche dun mode « alternatif » de règlement des conflits entre ladministration et les administrés, le législateur russe sintéresse à lombudsman, qui tire son nom dune institution suédoise créée en 1809 et qui a servi de modèle à la création dinstitutions de protection des administrés dans le monde entier2. « pays, à un instant donné, a Chaque lombudsman quil mérite »3, et le rôle laissé au commissaire aux droits de lhomme russe (Upolnomočennyj po pravamčeloveka) montre combien la volonté politique sous-tend la mise en place de nouvelles relations entre ladministration et les administrés. Afin de le souligner, il convient de présenter la mission dévolue à cette institution dès sa création par la loi organique fédérale n° 1-FKZ du 26 février 1997relative au commissaire aux droits de lhomme4, avant détudier les modalités de son exécution. La mission du commissaire aux droits de lhomme La loi organique fédérale n° 1-FKZ du 26 février 1997relative au commissaire aux droits de lhomme prévoit très largement que « le commissaire favorise le rétablissement des droits violés, lapplication de la législation de la Fédération de Russie relative aux droits de lhomme et du citoyen et sa mise en conformité avec les principes généraux et les normes du droit international, le développement de la coopération internationale en 1Encore faut-il nuancer, car sous le régime soviétique, le principe purement théorique de lunité et de lunion des intérêts privés et publics, rejetant lhypothèse dune opposition fondamentale entre le pouvoir et les individus en général, et entre ladministration et les administrés en particulier, empêchait linstauration dun système de protection des administrés tel quen connaissait la France à cette époque. 2Linstitution de la Prokuratura, qui trouve son origine dans unukazde Pierre I de 1722, a pu être présentée comme lancêtre desombudsmans. 3 Lombudsman, cet inconnu «M. Le CLAINCHE,»,RFAP, 1992, n° 64, p. 565. 4 Konstitucionnyj zakon N° 1-FKZ, FederalnyjOb upolnomočennom po pravamčeloveka v Rossijskoj Federacii, Sobranie zakonodatelstva Rossijskoj Federacii, 1997, N° 9,st.1011.