Rapport d'information déposé en application de l'article 145 du Règlement par la Commission des finances, de l'économie générale et du plan relatif à l'amélioration de la transparence des règles applicables aux pensions de retraite et aux rémunérations outre-mer
La mise en place, dans les années cinquante, de compléments de rémunérations dans la Fonction publique de l'Etat outre-mer servait à compenser une certaine dureté des conditions de vie outre-mer ainsi qu'un différentiel de prix entre la métropole et l'outre-mer. En outre, les avantages financiers étaient destinés à attirer des fonctionnaires métropolitains de qualité pour renforcer les effectifs de cadres dans la fonction publique. Ce rapport montre que les compléments de rémunérations se sont étendus à l'essentiel du secteur public et tendent à gagner le secteur privé. Il analyse le phénomène de l'indemnité temporaire de retraite, décrivant les bénéficiaires légitimes, les oubliés et les profiteurs. Il s'interroge sur un afflux éventuel de retraités métropolitains et sur la manière de contrôler la condition de résidence. Il estime que la situation dans les départements français d'Amérique et celle des autres catégories de fonctionnaires est source d'iniquités. Il se demande enfin si les fondements de la légitimité de ces dispositifs sont toujours d'actualité : éloignement, vie chère, coût du logement. En annexe, on trouve la liste des 250 personnes auditionnées, celle des prix relevés dans des hypermarchés de Guadeloupe, de La Réunion, de Nouvelle Calédonie et de Polynésie Française, comparés à un hypermarché de métropole, ainsi que les dix-huit propositions émises par le rapporteur.
Paternité, pas d'utilisation commerciale, partage des conditions initiales à l'identique
Langue
Français
Extrait
N°3780 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 mars 2007. RAPPORT DINFORMATION DÉPOSÉ en application de larticle 145 du RèglementPAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE LÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN
relatif àlamélioration de la transparence des règles applicables aux pensions de retraite et aux rémunérations outre-mer
ET PRÉSENTÉ
PAR M. JEAN-PIERREBRARD, Député.
SOMMAIRE___
Pages
INTRODUCTION................................................................................................................. 7 I. LES COMPLÉMENTS DE REMUNÉRATIONS SE SONT ÉTENDUS À L ESSENTIEL DU SECTEUR PUBLIC................................................................................................................. 11 A. LA FONCTION PUBLIQUE DE LÉTAT............................................................................. 11 1. Les majorations de traitement des fonctionnaires de lÉtat dans les DOM................. 11 a) Les départements français dAmérique..................................................................... 12 b) La Réunion.......................................................................................................... 12
2. Les majorations de traitement des fonctionnaires de lÉtat dans les collectivités doutre-mer (COM) et en Nouvelle-Calédonie.......................................................... 13 a) Les taux de majoration ont évolué............................................................................ 13
b) Le contexte spécifique de la Polynésie française......................................................... 15 c) Les difficultés liées à la protection sociale................................................................. 19
3. Les indemnités spécifiques dinstallation................................................................. 21 a) Les indemnités spécifiques à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et la Guyane...................... 22 b) Le versement d ne indemnité déloignement dans les autres collectivités doutre-mer....... 23 u
c) La prise en charge des frais de déménagement........................................................... 26 4. Les dispositions relatives aux congés..................................................................... 26 a) Les congés administratifs....................................................................................... 26
b) Les congés bonifiés............................................................................................... 27 5. Un coût budgétaire difficile à estimer...................................................................... 29 B. UNE FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE QUI TEND A REPRODUIRE LE MODÈLE DE LÉTAT....................................................................................................................... 30 1. Lextension des compléments de rémunération aux autres fonctions publiques des départements doutre-mer...................................................................................... 30 a) La situation de la Guadeloupe................................................................................. 30 b) La situation de La Réunion..................................................................................... 36
2. La fonction publique de la Nouvelle-Calédonie........................................................ 38
a) Lorganisation de la fonction publique locale............................................................. 39
b) Un statut inspiré de celui de la fonction publique de lÉtat........................................... 39
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3. La fonction publique de la Polynésie française........................................................ 40
a) Lorganisation de la fonction publique locale............................................................. 41 b) Un système de rémunération inspiré de celui de la fonction publique de lÉtat................. 42 C. LA CONTAGION DES COMPLÉMENTS DE REMUNÉRATION VERS LE SECTEUR PRIVÉ...... 43 1. Le secteur « protégé » connaît des conditions salariales favorables......................... 44 2. Le reste du secteur privé subit plus durement la « vie chère ».................................. 45
II. L INDEMNITÉ TEMPORAIRE DE RETRAITE : LES BÉNÉFICIAIRES LÉGITIMES, LES OUBLIÉS ET LES PROFITEURS............................................................................................................ 47 A. LES PRINCIPES DE LINDEMNITÉ TEMPORAIRE............................................................. 48
B. Y A-T-IL UN AFFLUX DE RETRAITÉS MÉTROPOLITAINS ?................................................ 50
1. La répartition très inégale des bénéficiaires............................................................ 50 a) Les bénéficiaires civils et militaires.......................................................................... 50 b) Les officiers généraux............................................................................................ 51 2. La montée récente des bénéficiaires et des montants dindemnités.......................... 52 a) Une augmentation de moitié en cinq ans du nombre de prestations servies...................... 52 b) Vers un doublement du montant moyen..................................................................... 52 3. Une progression appelée à se poursuivre............................................................... 52
a) Qui sont les bénéficiaires ?..................................................................................... 53 b) Un nombre des métropolitains nouvellement installés difficile à évaluer.......................... 55 c) Un dispositif qui na jamais été conçu pour attirer les métropolitains............................. 55 d) Un nombre de retraités « locaux » qui ne peut que progresser....................................... 57 4. Des indemnités parfois très faibles et parfois dun montant illégitime........................ 58 a) Le montant illégitime des indemnités les plus importantes............................................ 58 b) Des retraités modestes........................................................................................... 60 C. COMMENT CONTRÔLER LA CONDITION DE RÉSIDENCE ?.............................................. 60
1. Le principe de résidence effective et ses limites...................................................... 60 a) Les absences volontaires........................................................................................ 61 b) Les absences subies............................................................................................... 61
2. Un contrôle très difficile qui permet la fraude........................................................... 61 a) Limpossibilité juridique de contrôler les entrées et les sorties...................................... 62 b) Les moyens de contrôle.......................................................................................... 63 D. LA SITUATION DANS LES DÉPARTEMENTS FRANÇAIS DAMERIQUE ET CELLE DES AUTRES CATÉGORIES DE FONCTIONNAIRES EST SOURCE DINIQUITES......................... 65 1. Le cas de la fonction publique territoriale de la Nouvelle-Calédonie.......................... 65 2. Les fonctionnaires des départements français dAmérique....................................... 66
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III. LES FONDEMENTS DE LA LÉGITIMITÉ DE CES DISPOSITIFS SONT-ILS TOUJOURS 69................................................................ ................. D ACTUALITÉ ?... ................................ A. LÉLOIGNEMENT......................................................................................................... 69 1. Le principe de continuité territoriale........................................................................ 69 2. Le coût du transport aérien.................................................................................... 71
B. LA « VIE CHÈRE »....................................................................................................... 72
1. Un écart de prix difficile à apprécier du fait de structures de consommation différentes............................................................................................................. 73 2. Le prix des services doit également être pris en compte.......................................... 74 3. Départements doutre-mer : le poids de la fiscalité dans le niveau des prix................ 75 4. Les politiques publiques locales de maîtrise des prix............................................... 76 a) Le contrôle des prix en Polynésie française............................................................... 77 b) Le contrôle des prix en Nouvelle-Calédonie............................................................... 78 c) Les effets de ces politiques publiques sont limités par la « porosité » entre les milieux économiques et politiques locaux............................................................................ 82 5. Des marges injustifiées dans limportation et la distribution...................................... 82 a) Des analyses statistiques incomplètes....................................................................... 82 b) Une économie de monopoles................................................................................... 83 6. Des observatoires pour connaître le processus de formation des prix....................... 85 C. LE COÛT DU LOGEMENT............................................................................................. 87 1. Un coût de la construction significativement plus élevé quen métropole................... 87 2. Un coût moins favorable du crédit immobilier......................................................... 88
3. Une concentration des logements appelant une amélioration de laménagement du territoire................................................................................................................. 89
a) Nouvelle-Calédonie : une concentration de la population dans la région de Nouméa......... 89
b) Polynésie française : une concentration de la population dans la région de Papeete.......... 89
4. Des loyers exorbitants........................................................................................... 90
5. La prise en charge des frais de logement pour les fonctionnaires de lÉtat en poste dans les collectivités doutre-mer............................................................................ 90 EXAMEN EN COMMISSION..................................................................................................... 93 ANNEXES............................................................................................................................ 99 ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR VOTRE RAPPORTEUR DINFORMATION.......................................................................................................... 101
ANNEXE 2 : PRIX RELEVÉS PAR VOTRE RAPPORTEUR DINFORMATION DANS DES HYPERMARCHÉS DE GUADELOUPE, DE LA RÉUNION, DE NOUVELLE-CALÉDONIE ET DE POLYNÉSIE FRANÇAISE.............................................................................................. 117 ANNEXE 3 : RAPPELDES DIX-HUIT PROPOSITIONS DE VOTRE RAPPORTEUR DINFORMATION.......................................................................................................... 125
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INTRODUCTION
Lors de sa réunion du 7 mars 2006, votre Commission des finances a décidé de charger votre Rapporteur dune mission dinformation «sur lamélioration de la transparence des règles applicables aux pensions de retraite et aux rémunérations outre-mer».
Lannonce de la création de cette mission a suscité un émoi certain dans plusieurs départements et collectivités doutre-mer. Votre Rapporteur a souhaité prendre le temps de rencontrer le plus grand nombre dinterlocuteurs possible il a auditionné plus de 250 personnes pour présenter un rapport à la fois concis mais exhaustif. Il faut en effet quil ne soit pas un simple rapport de plus sur le sujet. Lambition de cette mission est, à partir dun panorama densemble solidement documenté, didentifier les difficultés pour mieux les surmonter.
Votre Rapporteur a acquis la conviction que tous les intéressés ont pris conscience que lestatu quo est impossible. Dès lors, il craint que, faute dune démonstration objective des justifications du système des compléments de rémunérations et de pensions des fonctionnaires, certains soient tentés de procéder à leur remise en cause brutale. Une telle perspective serait particulièrement dramatique pour loutre-mer. Mais lintention de votre Rapporteur nest pas non plus de laisser perdurer des dispositifs qui nauraient plus leur raison dêtre ou dont certaines personnes bénéficieraient illégitimement.
Cest pourquoi, grâce à lappui du Président de votre Commission, il a pu se rendre en Guadeloupe (et à Saint-Martin), à La Réunion, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Il est en effet illusoire de porter un jugement sur des dispositions propres à loutre-mer sans sêtre rendu sur place pour apprécier concrètement la situation locale. Il est dailleurs frappant de constater que les différentes personnes auditionnées ont unanimement salué linitiative de votre Commission de permettre un déplacement sur place de la mission dinformation.
Outre les auditions(1) a conduites, votre Rapporteur a reçu, depuis quil un an, de nombreux courriers exprimant dailleurs les points de vue les plus variés sur le sujet. Bien que ne sétant pas rendu en Martinique, en Guyane à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte ni à Wallis-et-Futuna, votre Rapporteur a ainsi été informé des problématiques spécifiques à ces départements et collectivités doutre-mer(2). Ces déplacements se sont déroulés après lexamen en première lecture par lAssemblée nationale du projet de loi de finances pour 2007. En effet, votre Rapporteur a souhaité bannir toute forme de précipitation afin que la sérénité (1) La liste des auditions de la mission dinformation est présentée en annexe du présent rapport. (2) Votre Rapporteur a, en outre, rencontré le maire et le conseiller général de Saint-Barthélemy à Saint-Martin.
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préside à ses travaux. Il tient à souligner que les personnes auditionnées ont fait preuve dun esprit particulièrement constructif qui a permis de nourrir sa réflexion.
Puisque la mission assignée par votre Commission portait sur la «transparencemettre en lumière à la fois les», votre Rapporteur se devait de situations que lon peut juger abusives et certaines injustices faites à nos compatriotes doutre-mer.
Lambition de ce travail consiste également à éviter la caricature trop souvent dressée de la fonction publique outre-mer. Votre Rapporteur estime quil faut abandonner limage de « danseuse de la République » qui colle parfois à loutre-mer. Le respect à légard de nos compatriotes est la condition minimale pour permettre un dialogue constructif. Ces caricatures sont relayées fréquemment par la presse lorsquelle cède à la facilité en ne sintéressant quaux « avantages cocotiers » et non aux réalités sociales complexes. Votre Rapporteur exprime ici la crainte que la recherche déconomies budgétaires, combinée à la méconnaissance des spécificités ultramarines chez nos compatriotes de métropole ne conduise un jour lÉtat à prendre des décisions hasardeuses Cette crainte est dailleurs partagée par nombre de Français doutre-mer.
Le moment est donc venu de mettre à plat, dans la concertation et sans empressement, les dispositions légales en faveur de la fonction publique outre-mer. Mais votre Rapporteur sest également intéressé au contexte qui forme la toile de fond de ces problématiques. Comment traiter de la fonction publique outre-mer sans évoquer la crise économique que traversent la plupart de ces territoires ? Comment parler des conditions de vie outre-mer sans parler des difficultés invraisemblables de logement ? Comment, enfin, parler de la « vie chère » outre-mer, sans chercher à en disséquer les causes économiques profondes ?
Ce rapport doit sinscrire dans une démarche de dialogue. Il ne manquera sans doute pas de susciter des réactions, positives ou négatives, qui doivent contribuer au débat.Votre Rapporteur souhaite quune mission conjointe de députés et de sénateurs puisse se rendre outre-mer pour y apprécier concrètement la situation.
Sagissant des réformes éventuelles concernant les majorations de traitement, il convient de mettre en place enfin des observatoires des prix, dans chaque collectivité, où seraient représentés tous les partenaires économiques, politiques et sociaux. Ces observatoires, dont la neutralité à légard des pressions économiques ou politiques serait garantie, devraient non seulement observer le niveau des prix, mais aussi disséquer leurs processus de formation. La petite taille des économies ultramarines permet à quelques importateurs ou distributeurs de capter lensemble du marché certains observateurs vont jusquà évoquer une économie de « comptoir » et encaisser des marges incroyables en profitant de monopoles ou doligopoles.
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Sur la base des constatations de chacun de ces observatoires, un conseil national pourrait se réunir par exemple à un rythme quinquennal pour proposer les adaptations des compléments de rémunération destinées à tenir compte de lévolution du niveau des prix. Le niveau de ces compléments pourrait évoluer à la hausse comme à la baisse de manière graduelle, pour éviter toute correction brutale. En effet, sil apparaissait que leur niveau doive baisser, il conviendrait de faire en sorte que limpact sur les traitements soit, le plus possible, étalé dans le temps.
En effet, le cur du sujet réside en ce point : la vie chère pèse sur les fonctionnaires mais aussi et plus durement encore sur les salariés du secteur privé les plus fragiles. Mettre sous les projecteurs les marges injustifiées dans le commerce doit permettre de baisser les prix outre-mer.Dès lors, et sur la base du maintien du pouvoir dachat des fonctionnaires, il est possible dimaginer une baisse des coefficients de majoration des traitements. Ce dispositif naurait que des avantages : outre le maintien du pouvoir dachat du secteur public, il permettrait de faire progresser significativement le pouvoir dachat des salariés les plus modestes. Votre Rapporteur est convaincu quil sagit là de la seule méthode possible de réforme.
Ses déplacements ont permis à votre Rapporteur de prendre conscience de la diversité des situations des retraités de la fonction publique outre-mer. Il a tout dabord pu constater les difficultés générées pour les individus et pour la qualité du service public dans les départements français dAmérique par labsence de compléments de pensions. Il a ensuite été frappé par lhétérogénéité des niveaux de vie des retraités de La Réunion, de Nouvelle-Calédonie ou de Polynésie française. Si certains hauts fonctionnaires ou généraux en retraite bénéficient de compléments de pensions dun niveau aberrant, votre Rapporteur a rencontré de nombreux retraités modestes nés sur place ou implantés de longue date pour qui une remise en cause du système aurait des conséquences personnelles dramatiques.
Sur un sujet particulièrement complexe, votre Rapporteur sest donc efforcé de formuler les recommandations les plus simples possible, de nature à engager un processus dévaluation et, le cas échéant, de réforme des dispositifs applicables outre-mer, en recherchant au maximum le consensus.