Revue internationale de droit comparé - Année 2005 - Volume 57 - Numéro 3 - Pages 627-651 Today, the reference at legitimate expectation is appearing explicitly in French law. This phenomenon essentially proceeds from the influence of European law. With the comparative law and the study of some international conventions, we understand that •legitimate expectation” can become an important judicial notion. This notion deserves therefore to be analysed. It will perhaps be received in the Common Frame of Reference. As a matter of fact the valuation of creditor’s legitimate expectation integrates some news characteristics of contract relation. For example, the increased rule of the information obligation and the development of the formalism appear through the notion of legitimate expectation. In addition to that, when we study the rule that •legitimate expectation” could have in French law, we see that this notion enables to systematize some French law evolutions. La référence à l’attente légitime apparaît aujourd’hui explicitement en droit français. Ce phénomène est essentiellement dû à l’influence exercée par le droit communautaire sur notre droit des contrats. Il mérite d’être analysé car, grâce au droit comparé et à l’étude de textes internationaux notamment, on perçoit que l’attente légitime est susceptible d’accéder au rang de véritable notion juridique; peut-être sera-telle accueillie dans le cadre commun de référence européen. En effet, l’appréciation de l’attente légitime du créancier intègre certaines caractéristiques nouvelles de la relation contractuelle, tel le rôle croissant de l’information précontractuelle ou le développement du formalisme. Quand, ensuite, on étudie le rôle que l’attente légitime est appelée à jouer en droit français, on constate que cette notion permet de systématiser certaines évolutions du droit des contrats.
25 pages Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.
UN APPORT DU DROIT COMMUNAUTAIRE AU DROIT FRANÇAIS DES CONTRATS : LA NOTION DATTENTE LÉGITIME Hélène AUBRY∗La référence à lattente légitime apparaît aujourdhui explicitement en droit français. Ce phénomène est essentiellement dû à linfluence exercée par le droit communautaire sur notre droit des contrats. Il mérite dêtre analysé car, grâce au droit comparé et à létude de textes internationaux notamment, on perçoit que lattente légitime est susceptible daccéder au rang de véritable notion juridique ; peut-être sera-t-elle accueillie dans le cadre commun de référence européen. En effet, lappréciation de lattente légitime du créancier intègre certaines caractéristiques nouvelles de la relation contractuelle, tel le rôle croissant de linformation précontractuelle ou le développement du formalisme. Quand, ensuite, on étudie le rôle que lattente légitime est appelée à jouer en droit français, on constate que cette notion permet de systématiser certaines évolutions du droit des contrats. Today, the reference at legitimate expectation is appearing explicitly in French law. This phenomenon essentially proceeds from the influence of European law. With the comparative law and the study of some international conventions, we understand that legitimate expectation can become an important judicial notion. This notion deserves therefore to be analysed. It will perhaps be received in the Common Frame of Reference. As a matter of fact the valuation of creditors legitimate expectation integrates some news characteristics of contract relation. For example, the increased rule of the information obligation and the development of the formalism appear through the notion of legitimate expectation. In addition to that, when we study the rule that legitimate expectation could have in French law, we see that this notion enables to systematize some French law evolutions. ∗Maître de conférences à la Faculté de Droit, dÉconomie et de Gestion dAngers.
628 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 3-2005 Soumis à diverses influences, le droit français des contrats a connu ces dernières décennies des évolutions notables. Parmi les mouvements parfois contradictoires qui laffectent, on observe quil est accordé moins dégard à la volonté du débiteur au bénéfice dune attention plus grande portée aux attentes du créancier1. Ce phénomène trouve notamment son origine dans le droit communautaire2. En effet, dans certains textes communautaires, il est expressément fait référence aux attentes du consommateur. Entre autres, la directive du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux définit le produit défectueux comme le produit qui « noffre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement sattendre »3. De même, selon la directive du 25 mai 1999 sur la vente et les garanties de biens de consommation, les biens sont présumés conformes au contrat lorsque leur qualité et leurs prestations sont conformes à ce que le consommateur peut raisonnablement attendre4. Lorigine de cette manifestation est à rechercher dans le rôle attribué aux citoyens européens dans le marché unique. Ceux-ci doivent devenir des « consommateurs actifs »5, cest-à-dire des agents économiques qui jouent pleinement leur rôle sur le marché en participant à lorientation de lactivité économique6. À cette fin, « une information est requise pour leur permettre de mieux utiliser leurs ressources, de choisir librement entre les différents produits ou services offerts et dexercer une influence sur les prix, lévolution des produits et les tendances du marché »7. Mais surtout, la confiance et les attentes investies par les agents économiques lorsquils acceptent de devenir acteurs du marché ne doivent pas être déçues8. Cest notamment à cette condition quils accepteront de conclure des contrats transfrontaliers Ainsi, la référence aux attentes 1 J. CALAIS-AULOY, « »une nouvelle source de droit subjectif ? légitime, Lattente in Aspects actuels du droit des affaires, Mélanges en lhonneur de Y. Guyon, Paris, Dalloz, 2003, p.171. 2 AUBRY, H.Linfluence du droit communautaire sur le droit français des contrats, Thèse, Aix-en-Provence, PUAM, 2002, préface A. GHOZI, spéc. n°223 et s. 3Art. 6 de la directive du 25 juill. 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux,JOCEL 210/29 du 07.08.1985. 4mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties desArt. 2.2 d) de la directive du 25 biens de consommation,JOCE L 171/12 du 07.07.1999. V. également, par exemple, le livre vert intituléServices financiers : répondre aux attentes des consommateurs, Doc. Com. (96) 209 final du 22 mai 1996. 5V. L. PINTO, « Le consommateur : agent économique et acteur politique »,Revue française de sociologie, 1990, p.179. 6 », préface A. De lusager au consommateur de service public Sur ce point, J. AMAR, « GHOZI, Thèse, Aix-en-Provence, PUAM, 2001, spéc. n°86 et s. 7 du Conseil du 14 avr. 1975 concernant un programme préliminaire de la CEE Résolution pour une politique de protection et dinformation des consommateurs,JOCEC 133/1 du 03.06.81. 8 On peut rapprocher de cette exigence le principe général de confiance légitime particulièrement présent en droit communautaire.