De nombreux outils sont régulièrement mobilisés pour prévoir ou analyser leffet des politiques demploi : modèles macroéconométriques, maquettes déquilibre général, évaluations ex post sur séries temporelles ou sur données microéconomiques. Cet article explore une approche additionnelle, à mi-chemin des méthodes de microsimulation et des modèles dits ACE (agent-based computational economics). Le principe est de décrire le comportement des agents au niveau individuel, en prenant en compte la façon dont ils interagissent et répondent aux modifications de lenvironnement économique général. On applique ce principe à la simulation dynamique des créations et destructions demploi, à lappariement entre individus et postes, ainsi quaux comportements de négociation salariale. Ces processus se déroulent sous contrainte de profitabilité et sous une éventuelle contrainte de demande globale par type de biens/qualifications. Le modèle est calibré pour reproduire les principales caractéristiques du chômage et de lemploi salarié privé en France, puis il est appliqué à la simulation de quelques exemples de chocs : choc démographique, choc sur le salaire minimum, politiques dallègement de charges. Ce modèle est encore à létat de prototype, mais il permet de retrouver les ordres de grandeur obtenus par les approches existantes et il présente un plus grand potentiel pour lanalyse détaillée des effets de ces politiques demploi. Une version plus élaborée pourrait donc utilement compléter la panoplie dinstruments actuellement disponibles pour lanalyse du marché du travail.
Mcosmulatonetmodèlesdagents:une appoce altenatve pou lévaluaton des poltques demplo Muel Balet, Dde Blancet et Tomas Le Babancon*
Denombreuxoutilssontrégulièrementmobiliséspourprévoirouanalyserleffetdespolitiques demploi : modèles macroéconométriques, maquettes déquilibre général, évaluations ex post sur séries temporelles ou sur données microéconomiques. Cet arti-cle explore une approche additionnelle, à mi-chemin des méthodes de microsimulation et des modèles dits ACE ( agent-based computational economics ). Le principe est de décrire le comportement des agents au niveau individuel, en prenant en compte la façon dont ils interagissent et répondent aux modifications de l’environnement économique général. On applique ce principe à la simulation dynamique des créations et destruc-tionsdemploi,àlappariemententreindividusetpostes,ainsiquauxcomportementsde négociation salariale. Ces processus se déroulent sous contrainte de profitabilité et sous une éventuelle contrainte de demande globale par type de biens/qualifications. Le modèle est calibré pour reproduire les principales caractéristiques du chômage et de lemploisalariéprivéenFrance,puisilestappliquéàlasimulationdequelquesexem-ples de chocs : choc démographique, choc sur le salaire minimum, politiques dallège -ment de charges. Cemodèleestencoreàlétatdeprototype,maisilpermetderetrouverlesordresdegrandeur obtenus par les approches existantes et il présente un plus grand potentiel pour lanalysedétailléedeseffetsdecespolitiquesdemploi.Uneversionplusélaboréepour-raitdoncutilementcompléterlapanopliedinstrumentsactuellementdisponiblespourlanalyse du marché du travail.
*DidierBlanchetappartientaudépartementdesÉtudesÉconomiquesdEnsemble(D3E)delInsee,MurielBarletetThomasLeBarbanchon, appartenaient, lors de la rédaction de cet article, à la division Croissance et Politiques Macroéconomiques du même département. Ce travail a bnfici de prsentations au sminaire interne du D3E, au sminaire Emploi et Travail du Centre d’Études de l’Emploi et de la Dares, au séminaire Fourgeaud, ainsi quà la 1 re Conférence de l International Microsimulation Association (Vienne, 2007). Les auteurs remercient les participants à ces différentes rencontres et tout particulièrement François Legendre, Benoit Ourliac et Valérie Albouy. Ils remercient également les deux relecteurs de la revue pour leurs remarques très utiles. Ils restent seuls responsables des erreurs ou omissions.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 429-430, 2009
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L éavctauluelalteiomnendtessappopliutyiqeruessudremupnleoiapsesuetzgrande variété dinstruments. Une méthode qui a connu des développements importants au cours desdernièresannéesestlévaluationexpostsur données microéconomiques. Elle consiste à comparerlestrajectoiresdemploidugroupe-test des agents bénéficiaires et du groupe témoin des non-bénéficiaires. Une application typique est lanalyse des dispositifs daide à la réinser -tiondesdemandeursdemploi,maiselleaétéaussiappliquéeàlanalysedeseffetsdesallège-ments de charges sur la demande de travail des entreprises (Crépon et Desplatz, 2001). Lapportdecettedémarcheestindéniable,maisonsaitquelleprésentediversrisquesdebiais.Entouterigueur,ellenestvalidequedansdessituationsquasi-expérimentalesoùlaffectationdes individus ou des entreprises entre le groupe test et le groupe témoin est parfaitement exo-gène ou contrôlable. Elle suppose également quelapolitiquesoittotalementdénuéedeffetssur le groupe témoin, or ceci ne sera pas le cas enprésencedeffetsdéviction.Parexemple,laccompagnementdunecertainecatégoriedechômeurs peut freiner laccès à lemploi des autres catégories, ou des aides ciblées sur certai-nes entreprises peuvent favoriser ces dernières au détriment des entreprises non aidées. Dans ces deux cas, la comparaison groupe à groupe donnera une image incorrecte des effets globaux delapolitiquesuivie.Lobservationmicroéco-nomique est a fortiori incapable de capter les effets des politiques passant par des canaux plus macroéconomiques. On utilise le terme deffetsdebouclagepourcaractérisertouscesphénomènesetilssontlundesargumentslesplus souvent avancés pour relativiser la portée de cette méthode dévaluation (voir Sterdyniak, 2002 et une réponse dans Crépon et Desplatz, 2002). Uneautreméthodedévaluationex post sap-puie sur les données macroéconomiques. Elle consiste à introduire un indicateur de la politi-que analysée dans une équation macroécono-métriquedemploi.Ellepermetenprincipedeprendreencompteleseffetsdévictionetdebouclage,puisquellesintéresseàlévolutiondelemploiglobaletnonpasaudifférentieldévolutionentreindividustraitésetnontrai-tés. Mais cette méthode ne mesure correctement leseffetsdelapolitiqueconsidéréequesilonestsûrdebienprendreencomptelensembledes autres facteurs qui affectent la trajectoire de lemploi.Lestimationdeleffetdunepolitiquepeut aussi être biaisée par le caractère endo-
gène de cette politique : si sa mise en place est décidée en réaction à une dégradation de lem -ploi,leconstatempiriqueseraceluidunliennégatif entre cette politique et le niveau dem-ploi, à lopposé de la liaison quon est supposé estimer. Lobservationempiriqueex post apparaît donc insuffisante, qu’elle soit micro ou macroécono -mique. Il faut la compléter par des approches ex ante à base de modèles. Au lieu de demander auxdonnéesderévélerlimpactréeldelapoliti-queconsidérée,cesapprochessappuientsurunmodèledefonctionnementdeléconomiepouren prévoir ou en reconstituer limpact probable. Lintérêtestdesappuyersuruncadrequidécritexplicitement les enchaînements par lesquels la politique produit ses effets. La limite est que la pertinence du résultat dépend directement de la pertinence du modèle utilisé. Onpeutparexemplesappuyersurdesmodèlesmacroéconométriques.Leuravantageestdêtrefortement ancrés sur lobservation des évolu-tions économiques passées, mais ceci ne les rend pas forcément aptes à bien décrire les effets de politiques nouvelles (critique de Lucas). Par ailleurs, leur caractère agrégé est mal adapté à la simulation de politiques différenciées par caté-gorie de main-duvre. Il est certes possible de lesenrichirdunedistinctionentretravailleursqualifiés et non qualifiés, mais d’une manière qui reste en général ad hoc et partielle (Beffy et Langevin, 2005). Les maquettes déquilibre général calculable répondent en partie à ces critiques. Leurs fon-dements théoriques sont plus précis que ceux des modèles macroéconométriques, et il est cettefoisassezfréquentdydifférencierlamain-d’œuvre par qualification. Un exemple de maquette purement statique est par exemple lamaquettedeSalanié(2000).Dautresexem-ples de modèles semi-dynamiques incluant leprocessusdappariemententretravailleurset emplois sont les maquettes proposées par Doisy, Duchêne et Gianella (2004) ou encore Belan, Carré et Grégoir (2007), mais cette désa-grégation reste beaucoup moins fine que ce que nécessiterait la description précise des poli-tiques effectivement mises en place. Pour ne donner quun exemple, un aspect important du débatsurlapolitiquedallègementdechargesconcerne leur dégressivité : comment se com-parentleseffetsdunepolitiqueoùlaplagededégressivitésétendjusquà1,6Smic,commecest le cas aujourdhui, comparée à une politi -queoùcetteplagesarrêteà1,3Smic,comme