La France s’est dotée depuis le début des années soixante-dix, d’un impressionnant arsenal législatif destiné à sauvegarder les milieux naturels, préserver les ressources et les paysages, prévenir les risques et les pollutions, protéger la santé publique et notre cadre de vie.
sanction avec le représentant du parquet via leurs avo-
cats. Et face à des parquets peu au fait des enjeux envi-
ronnementaux, les avocats ont le beau rôle, d’autant que
ni les agents qui ont dressé les procédures, ni les parties
civiles susceptibles d’apporter une contribution pédago-
gique à l’appréciation du trouble à l’ordre public envi-
ronnemental, ne sont invités à la discussion pour contre-
balancer la vision des avocats du prévenu. Bref, une
justice d’abattage, en vase clos, coupée des réalités
sociales, de plus en plus éloignée du territoire du fait de
la fermeture des tribunaux de proximité, qui démontre
bien l’ampleur de la crise frappant ce service public essen-
tiel. Cette situation, observable dans la majorité des tri-
bunaux bretons comme au plan national, qui ne cesse de
s’amplifier au fil du temps, risque d’affaiblir un peu plus
le respect naissant du droit de l’environnement.
Deux poids, deux mesures !
Pourtant à l’inverse, on voit bien que quand la justice
est décidée à frapper fort et à réprimer sévèrement les
délinquants environnementaux, ses décisions ont un
impact réel sur les comportements sociaux. En matière de
pollutions maritimes et de dégazages en mer, le tribunal
correctionnel de Brest, en obligeant les prévenus à de
fortes consignations financières, en requérant et en
ordonnant de fortes sanctions financières (jusqu’au demi-
million d’euros d’amende), a presque fait disparaître les
dégazages sauvages et les rejets volontaires de mazout sur
nos côtes… ce qui ne veut pas dire qu’ils n’ont pas lieu
plus loin sur les routes du transport maritime, au large de
pays moins regardant. Les règles du jeu ne sont appli-
quées par les opérateurs économiques que si elles sont
contrôlées et sanctionnées ! Et ceux-ci savent s’adapter,
comme le démontre leur capacité d’adaptation et de ratio-
nalisation du risque économique. Encore faut-il consta-
ter que le réveil de la justice en la matière doit être relié
à la condamnation politique préalable des « voyous de la
mer », pour reprendre l’expression de l’ancien Président
de la République J. Chirac. Pourquoi ce qui est réalisé à
l’égard de ces délinquants professionnels (certes étrangers
et de passage) ne l’est-il pas ou si peu vis-à-vis des
« voyous de nos rivières » ?
Dernière menace qui pèse sur la justice, et pas des
moindres. La disparition d’une juridiction d’instruction
indépendante du pouvoir, et la restriction par grignotage
des pouvoirs d’action des victimes, qui visent toutes deux
à concentrer tous les pouvoirs d’instruction et de pour-
suites dans les mains de parquets… dépendant hiérarchi-
quement du gouvernement. A tel point que la Cour euro-
péenne des droits de l’homme a récemment refusé la
qualité d’autorité judiciaire au parquet français du fait de
son absence d’indépendance à l’égard du gouvernement,
décision symbolique de l’état de notre justice en ce début
de XXIème siècle, au pays des droits de l’homme. Une fois
saisi, le juge d’instruction est tenu d’enquêter et de pour-
suivre s’il découvre des charges suffisantes, alors que le
procureur peut librement classer sans suite et ne s’en
prive d’ailleurs pas. Enfin, le juge d’instruction assume les
frais d’enquête, alors que sa disparition accroitrait néces-
sairement les charges financières pesant sur les parties, et
partant aggraverait les conditions d’accès à la justice.
Sans juge d’instruction par exemple, Eau & Rivières n’au-
rait pu obtenir la condamnation dans les années 1990
d’élus irresponsables pour pollutions de cours d’eau éma-
nant de stations d’épuration communales obsolètes, qui
a accéléré la modernisation et la gestion rigoureuse depuis
lors de ces équipements en Ille-et-Vilaine. La diversité
des voies de mobilisation de la justice est garante d’une
justice vivante, à l’instar de la biodiversité. La régres-
sion de l’idée même de justice, au coeur du projet de
réforme gouvernemental actuel, a été vivement condam-
née par l’adoption d’une motion unanime de plus de 400
personnes lors du colloque d’octobre 2009 à l’occasion du
40ème anniversaire de l’association. Selon que l’on est
puissant ou misérable…
EAU & RIVIÈRES A MENÉ À BIEN PLUS DE 500 DÉMARCHES DEVANT LES TRIBUNAUX, AFIN QUE LA LOI ET LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT NE DEMEURENT PAS VIRTUELLES.
D R O I T D E L’ E N V I R O N N E M E N T
Eau & Rivières Printemps 2010 n° 151 - 7
GESTION DE L’ACTION PUBLIQUE
Outil
Référence
Champ
Autorité
Premier terme
Audience
Remise
CPP
d’application
judiciaire
de la récidive
publique
en état
Classement sans suite
40
général
procureur
non
non
non
(trouble non identifié)
Rappel à la loi
41-1
général
procureur
non
non
non
Classement
41-1
général
procureur
non
non
éventuel
conditionné
Médiation pénale
41-1
général
procureur
non
non
éventuel
Transaction pénale
6
certains délits
procureur
non
non
éventuel
(L. 216-14,
et contraventions
L. 437-14,
(eau, pêche,
L. 331-25
parcs nationaux)
code env.)
Amende forfaitaire
529
C1 à C4
procureur
non
non
non
(parcs nationaux,
réserves naturelles,
littoral, chasse,
pêche, eau, déchets)
Composition pénale
41-2
contraventions
non
non
non
+ délits < 5 ans
Ordonnance pénale
524
contraventions
juridiction
oui
non, sauf appel
éventuel
Comparution sur
495-7
délits < ou = 5 ans
juridiction
oui
oui (limitée
éventuel
reconnaissance
à discussion
préalable de
sur la peine)
responsabilité
Information judiciaire
80
général
juridiction
éventuel
éventuel
éventuel
(juge d’instruction)
d’instruction
in fine
in fine
in fine
Comparution
397
délits > ou
juridiction
oui
oui
éventuel
immédiate
= 2 ans, (ou > ou
= 6 mois après
flagrance)
Citation
388
général
juridiction
oui
oui
éventuel
à comparaître
Ajournement
L. 216-9
+ injonction
L. 514-10
code env
Référé pénal
L. 216-13
code env
Gestion alternative aux poursuites
Poursuites simplifiées
Poursuites
Procédures spécifiques
Après une déclaration de culpabilité, la juridiction peut ajourner le prononcé de
la peine, enjoindre au coupable une mesure de réhabilitation dans un délai sous
astreinte éventuelle, et statuer ultérieurement sur la peine
Sur réquisition du parquet, la juridiction (de jugement ou d’instruction) convoque
le prévenu sous 48 h, et peut prendre une ordonnance de référé exécutoire pour
faire cesser immédiatement en cas d’urgence un trouble aquatique manifeste-
ment illicite.
(Rapport d’inspection interministérielle sur le renforcement et la structuration des polices de l’environnement, février 2005).
« Pour les élevages, le traitement des dossiers d’autorisation ou de déclaration avait pris ces dernières années beaucoup
de retard dans les régions d’élevage intensif et le contrôle y était pratiquement inexistant. En Bretagne, des moyens com-
plémentaires ont été fournis aux services et des programmes de visite des exploitations mis en place, mais il y a encore
très peu d’infractions relevées. Le principe retenu est de commencer par informer l’exploitant de ses obligations, puis
de l’avertir, puis de le mettre en demeure, et enfin de le verbaliser »
(p. 24)
« Les procès-verbaux relatifs à l’environnement ne représentent qu’une part infime de l’ensemble des procédures trai-
tées par les tribunaux (0,5 %). Comparées au contentieux général, les infractions ont un meilleur taux d’élucidation mais
donnent moins souvent lieu à poursuites ou à l’engagement de procédures alternatives (27 % contre 63 % pour l’en-
semble du contentieux). Les condamnations, en diminution constante depuis 1996, laissent encore une part prépondérante
à la chasse et à la pêche (…) cette efficience médiocre ne répond ni aux enjeux actuels, notamment communautaires,
ni aux attentes croissantes des citoyens dans ce domaine »
Trouble léger à l’ordre publicTrouble moyen
à l’ordre public
Trouble grave
à l’ordre public
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