ÉTUDE DE CAS L’IMPUNITÉ ET LA FAIBLESSE DES LOIS COMME OBSTACLES À LA LUTTE CONTRE LA TRAITE DES FEMMES AU CAMBODGE Dominique LaRochelle, candidate à la maîtrise en science politique, UQAM Marie-Pierre Ouellet Morand, baccalauréat en relations internationales et droit international (2006), UQAM Le Cambodge est un pays d’origine, de transit et de destination pour le trafic des femmes à des fins d’exploitation sexuelle. De nombreuses femmes et filles sont recrutées par des trafiquants pour ensuite être vendues et entraînées dans le monde de la prostitution. La prostitution forcée est un des 1crimes de violence les plus sérieux commis à l’égard des femmes au Cambodge . La traite des femmes est illégale sous la Loi sur la répression de l’enlèvement, de la traite, et 2de l’exploitation des êtres humains et sous la Constitution. Par contre, la faiblesse des lois et la cultu-re d’impunité font en sorte que le phénomène de la traite des femmes n’est pas combattu efficacement au Cambodge. Cette étude de cas vise à dresser un portait général de cette problématique et à discuter de la difficile application des lois au Cambodge et également de la culture d’impunité présente au pays. Les actions des organisations non gouvernementales (ONG) visant à lutter contre le phénomène seront également abordées. Un bref aperçu du phénomène Il n’existe pas de données fiables sur le nombre de femmes trafiquées à des fins d’exploitation sexuelle à l’intérieur ...
trafic des personnes est interdit tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Cambodge. Ayant traité au préa-
lable de la situation problématique des femmes trafiquées comme étant perçues fautives d’avoir
transgressé les lois d’immigration, il est d’autant plus déplorable que la loi d’immigration cambod-
gienne ne fasse aucune allusion au trafic
12
.
Une autre loi, la
Loi sur la traite humaine et l’exploitation sexuelle,
est présentement étudiée
par le gouvernement. Ce nouvel ajout à la législation permettrait de mieux encadrer la lutte contre la
traite des personnes et donnerait plus de pouvoirs aux officiels pour poursuivre les trafiquants. Le
projet de loi prévoit des sanctions pour toute personne impliquée dans le processus de traite, du trafi-
quant principal à toute personne ayant participé au processus (au niveau du transport des victimes
notamment)
13
. Néanmoins, même en ayant les meilleures lois possibles, le Cambodge n’atteindra pas
ses objectifs tant qu’il n’aura pas enrayé les problèmes de corruption et d’application de ces dernières.
Faiblesse des lois et culture d’impunité
L’impunité des trafiquants est la norme au Cambodge. L’industrie du sexe étant très lucrative,
il est facile pour les propriétaires de bordels et trafiquants de payer des pots-de-vin aux autorités afin
d’éviter d’être arrêtés ou poursuivis
14
. Certains policiers et membres de l’armée et des cours de justice
sont parfois même impliqués directement dans des activités liées à la prostitution et à la traite des
personnes. De par leur position stratégique, ils peuvent convaincre les victimes de retirer leur plainte
en échange d’une compensation financière. Conséquemment, peu de trafiquants sont condamnés.
Cette impunité est renforcée par la faiblesse des lois relatives à la traite des êtres humains au
Cambodge. Les lois actuelles ne définissent pas de façon spécifique le crime de traite des personnes et
ne ciblent pas tous les individus pouvant bénéficier de ces activités. Pourtant, les réseaux impliqués
dans la traite des femmes comptent de nombreux complices qui agissent notamment lors du recrute-
ment, du transport ou du transfert des victimes. De plus, les lois actuelles ne définissent pas de façon
adéquate le processus de recrutement des victimes. Les situations couvertes par la loi sont celles où
une personne est recrutée par une promesse d’argent, de drogue, par la force ou par des menaces. Par
contre, de nombreuses situations impliquant la fraude ou l’abus de pouvoir ne sont pas encore in-
cluses dans les lois actuelles
15
.
Bref, il est difficile de poursuivre les criminels pour deux raisons majeures : la culture
d’impunité et la faiblesse des lois. C’est pourquoi les ONG cambodgiennes travaillent sur le terrain
pour combattre la corruption et l’impunité. En plaidant pour l’adoption de la
Loi sur la traite humaine
et l’exploitation sexuelle
, ces organisations comptent également combler certains vides juridiques afin
de condamner davantage de criminels.
Les actions des ONG cambodgiennes
Les efforts du gouvernement pour aider les victimes de la traite sont limités. La majorité des
services liés à la réhabilitation et réintégration des victimes sont offerts par les organisations non-
gouvernementales. Des organisations comme le Cambodian Women’s Crisis Center offrent un abri
sécuritaire aux victimes où elles sont nourries, logées, vêtues et où elles peuvent recevoir des soins de
santé et de l’aide psychologique. Une formation professionnelle est également offerte aux victimes
pour favoriser leur autonomie en se trouvant un emploi convenable.
12
La loi d’immigration:
http://www.cdpcambodia.org/immigration_law.asp
et Asia Cooperation to Prevent Peo-
ple Trafficking qui a soulevé cette problématique dans le document
Gender, Human Trafficking and the
Criminal Justice System in Cambodia
,
http://www.arcppt.org/docs/GenderCBA2005.pdf
p. 42-43
13
Op Cit 1, p. 24.
14
Ibid p. 21.
15
Op Cit 1, p. 23.
Les ONG cambodgiennes sont également très actives au niveau de la prévention de la traite
des personnes et de la documentation du phénomène. La Ligue cambodgienne pour la promotion et la
défense des droits de l’Homme (LICADHO) a publié un photo-roman,
Tears of the Victim,
où plu-
sieurs problématiques liées à la violence à l’égard des femmes sont abordées, notamment celle de la
traite des personnes. Cet outil accessible est distribué dans les milieux à risque et utilisé à titre préven-
tif. Ce format suscite l’intérêt et le maintient jusqu’à la fin de l’histoire avec ses photos qui jouent un
rôle de support visuel indispensable. De plus, il peut être compris par tout le monde, même par ceux
qui ne savent pas lire. Au niveau de la documentation du phénomène, la LICADHO compile des don-
nées sur les cas qui lui sont soumis pour tenter de cerner son évolution, ce qui est important en
l’absence de données fiables à l’échelle nationale. Les chiffres fournis par les ONG sont souvent les
seules données disponibles. Il est essentiel de documenter les cas de traite des femmes pour mieux
connaître les tactiques utilisées par les trafiquants. En connaissant les principales stratégies de recru-
tement, les ONG sont en mesure d’élaborer de meilleures activités de sensibilisation. De plus, des
rapports précis et concis portant sur diverses problématiques liées à la défense des droits humains sont
fréquemment publiés par la LICADHO. Ces rapports sont mis à jour annuellement et sont distribués
en versions papier et électronique (sur le site web de la LICADHO), en khmer et en anglais.
Au niveau de la protection des victimes, des ONG comme la LICADHO donnent des conseils
juridiques aux femmes et à leur entourage et les aident à porter plainte si elles le désirent. Le cas
échéant, la LICADHO aide les femmes à trouver un(e) avocat(e) et les accompagne en cour tout au
long des procédures judiciaires. Ce soutien est très important car la majorité des victimes manque de
connaissances du système judiciaire.
De plus, des activités de lobbying sont exercées pour favoriser l’adoption de lois qui promeu-
vent les droits des femmes
16
. D’ailleurs, la LICADHO s’associe à d’autres ONG pour élargir l’impact
de ses actions, accroître sa crédibilité et éviter le dédoublement des tâches. Dans le cas des droits des
femmes, la LICADHO assume actuellement la présidence du Cambodian Committee for Women
(CAMBOW).
Finalement, des organisations non gouvernementales mènent des activités de formation de po-
liciers et de membres des cours de justice afin de sensibiliser ceux-ci au problème de la traite humaine,
mais aussi à la problématique plus large de la violence perpétrée à l’égard des femmes. Ces activités
ont comme but de sensibiliser les officiers de police et de justice aux problèmes liés à la corruption et
à la faible application des lois.
En guise de conclusion…
La traite des êtres humains constitue une sérieuse violation des droits de la personne. Bien que
la loi cambodgienne contienne certaines dispositions pour condamner les trafiquants, les lois actuelles
sont incomplètes et mal appliquées, ce qui fait en sorte que peu de trafiquants sont condamnés. Avec
la culture d’impunité présente au pays, les cas de traite des personnes sont des exemples tristes où
l’impunité est devenue la règle au point où une sentence condamnant un trafiquant serait vue comme
étant anormale
17
. L’adoption de la
Loi sur la traite humaine et l’exploitation sexuelle
par le gouverne-
ment cambodgien constituerait une avancée pouvant favoriser la condamnation des trafiquants, mais
serait insuffisante pour lutter contre la traite des femmes au Cambodge. Le gouvernement devra faire
preuve de volonté politique pour régler ce dossier épineux et également pour mettre fin à la corruption
et à la culture d’impunité. Le rôle de la société civile est essentiel pour faire pression sur le gouverne-
ment afin que celui-ci s’engage réellement à combattre et prévenir la traite des personnes sur son
territoire, tout en fournissant des services de réintégration et de réhabilitation aux victimes.
16
C’est notamment le cas pour la
Loi sur la traite humaine et l’exploitation sexuelle.
17
The Cambodian Human Rights and Development Association, “Human Rights Situation Report”, janvier
2004, p. 40.
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