Astronomie populaire
Flammarion, CamilleAstronomie populaire
1Astronomie populaire
A propos de eBooksLib.com
Copyright
Notre planète vit d'une certaine vie astrale, que nous ne
pouvons pas encore suffisamment comprendre. Des courants
magnétiques circulent en elle et, sans cesse, sous leur
mystérieuse influence, l'aiguille aimantée cherche le nord de
son doigt inquiet et agité. L'intensité et la direction de ces
courants varient de jour en jour, d'année en année, de siècle
en siècle. Il y a deux siècles environ, en 1666, la boussole
observée à Paris tendait juste au nord ; puis elle a tourné
vers l'ouest, c'est−à−dire vers la gauche si l'on regarde le
nord.
Sa déviation était de 8 degrés en 1700, de 17 degrés en 1
750, de 22 degrés en 1800 ; elle a encore augmenté de (..)
degré jusqu'en 1814, puis elle a commencé à revenir vers le
nord. Cette déviation était de 22 degrés en 1835, de 20 en
1854, de 19 en 1863, de 18 en 1870, de 17 en 1878, de 16 en
1888. Elle va continuer de décroître, et il est probable qu'elle
pointera de nouveau au nord vers 1962. Voilà une
importante variation séculaire, qui a causé bien des désastres
maritimes aux pilotes qui l'ignoraient. Ajoutons que tous les
jours cette curieuse aiguille oscille légèrement sur son axe,
s'écartant de son méridien magnétique, vers l'orient à huit
heures du matin, et vers l'occident à une heure de l'après
−midi. L'amplitude de cette oscillation varie elle−même
d'année en année et, remarque vraiment étonnante, cette
2Astronomie populaire
amplitude paraît correspondre au nombre des taches qui
existent sur le soleil : c'est dans les années où il y a le plus
de taches que cette amplitude est la plus forte. Le nombre
des aurores boréales paraît également en rapport avec l'état
de l'astre du jour. Du reste, l'aiguille aimantée enfermée
dans une cave de l' observatoire de Paris suit l'aurore boréale
qui allume ses feux aériens en Suède ou en Norwège. Elle
est inquiète, agitée, j'allais dire fiévreuse, plus que cela :
affolée ; et son trouble ne cesse que quand le lointain
météore a disparu... quel livre que le livre de la nature ! Et
combien il est inexplicable qu'il ait si peu de lecteurs ! ... la
vie de la planète se manifeste extérieurement par les plantes
qui en ornent la surface , par les animaux qui la peuplent,
par l'humanité qui l'habite.
On connaît cent vingt mille espèces végétales et trois cent
mille espèces animales. Il n'y a qu'une espèce humaine, car l'
humanité c'est l'incarnation de l'esprit... la population
humaine de notre planète se compose, d'après les dernières
statistiques, de 1 milliard 450 millions d'habitants. Il naît à
peu près un enfant à chaque seconde ; un être humain meurt
aussi par seconde. Le nombre des naissances est, toutefois,
un peu plus grand que celui des morts, et la population
s'accroît suivant une proportion variable. On peut estimer à
400 milliards le nombre des hommes qui ont vécu sur la
terre depuis les origines de l'humanité. S'ils ressuscitaient
tous, hommes, femmes, vieillards, enfants, et se couchaient
les uns à côté des autres, ils couvriraient déjà la surface
3Astronomie populaire
entière de la France.
Mais tous ces différents corps ont été composés
successivement des mêmes éléments ; les molécules que
nous respirons, buvons, mangeons et incorporons à notre
organisme ont déjà fait partie de nos ancêtres. Un échange
universel s'opère incessamment entre tous les êtres : la mort
ne garde rien. La molécule d'oxygène qui s'échappe de la
ruine d'un vieux chêne abattu par le poids des siècles va
s'incorporer dans la blonde tête de l'enfant qui vient de
naître, et la molécule d'acide carbonique qui s' échappe de la
poitrine oppressée du moribond étendu sur son lit de douleur
va refleurir dans la brillante corolle de la rose du parterre...
ainsi la fraternité la plus absolue gouverne les lois de la vie ;
ainsi la vie éternelle est organisée par la mort éternelle.
L'esprit seul vit et contemple. La poussière retourne à la
poussière. Les mondes voguent dans l'espace en s'
illuminant des rayonnements et des sourires d'une vie sans
cesse renouvelée. De siècle en siècle, les êtres vivants sont
remplacés par d'autres êtres, et, sur les continents comme
dans les mers, si la vie rayonne toujours, ce ne sont point les
mêmes coeurs qui battent, ce ne sont point les mêmes yeux
qui regardent, ce ne sont point les mêmes bouches qui
sourient. La mort couche successivement dans la tombe les
hommes et les choses, mais, sur nos cendres comme sur la
ruine des empires, la flamme de la vie se renouvelle sans
cesse. La terre donne à l'homme ses fruits, ses troupeaux,
ses trésors ; la vie circule, et le printemps revient toujours.
4Astronomie populaire
On croirait presque que notre propre existence, si faible et
si passagère, n'est qu'une partie constitutive de la longue
existence de la planète, comme les feuilles annuelles d'un
arbre séculaire, et que, semblables aux mousses et aux
moisissures, nous ne végétons un instant à la surface de ce
globe que pour servir aux procédés d'une immense vie
planétaire que nous ne comprenons pas. L'espèce humaine
est soumise, à un moindre degré que les plantes et les
animaux, aux circonstances du sol et aux conditions
météorologiques de l'atmosphère ; par l'activité de l'esprit,
par le progrès de l'intelligence qui s'élève peu à peu, aussi
bien que par cette merveilleuse flexibilité d' organisation qui
se plie à tous les climats, elle échappe plus aisément aux
puissances de la nature ; mais elle n'en participe pas moins
d'une manière essentielle à la vie qui anime notre globe tout
entier. C'est par ces secrets rapports que le problème si
obscur et si controversé de la possibilité d'une origine
commune pour les différentes races humaines rentre dans la
sphère d'idées qu'embrasse la description physique du
monde.
Il est des familles de peuples plus susceptibles de culture,
plus civilisées, plus éclairées, mais nous pouvons dire avec
Humboldt qu'il n'en est pas de plus nobles les unes que les
autres.
Toutes sont également faites pour la liberté ; pour cette
liberté qui, dans un état de société peu avancé, n'appartient
5Astronomie populaire
qu'à l' individu, mais qui, chez les nations appelées à la
puissance de véritables institutions politiques, est le droit de
la communauté tout entière. Une idée qui se révèle à travers
l'histoire, en étendant chaque jour son salutaire empire, une
idée qui, mieux que toute autre, prouve le fait si souvent
contesté, mais plus souvent encore mal compris, de la
perfectibilité générale de l' espèce, c'est l'idée de l'humanité.
C'est elle qui tend à faire tomber les barrières que des
préjugés et des vues intéressées de toute sorte ont élevées
entre les hommes, et à faire envisager l'humanité dans son
ensemble, sans distinction de races, de religions, de nations,
de couleurs, comme une grande famille de frères, comme un
corps unique, marchant vers un seul et même but : le libre
développement des forces morales. Ce but est le but final, le
but suprême de la sociabilité, et en même temps la direction
imposée à l'homme par sa propre nature pour
l'agrandissement indéfini de son existence. Il regarde la
terre, aussi loin qu'elle s' étend ; le ciel, aussi loin qu'il le
peut découvrir, illuminé d' étoiles ; son intelligence l'élève
au−dessus de tous les autres êtres terrestres : ... etc. Progrès
et liberté ! Déjà l'enfant aspire à franchir les montagnes et
les mers qui circonscrivent son étroite demeure ; et puis, se
repliant sur lui−même comme la plante, il soupire après le
retour. C'est là, en effet, ce qu' il y a dans l'homme de
touchant et de beau, cette double aspiration vers ce qu'il
désire et vers ce qu'il a perdu ; c' est elle qui le préserve du
danger de s'attacher d'une manière exclusive au moment
présent. Et de la sorte, enracinée dans les profondeurs de la
6Astronomie populaire
nature humaine, gouvernée en même temps par ses instincts
les plus sublimes, cette union bienveillante et fraternelle de
l'espèce entière devient une des grandes idées qui président
à l'histoire. Notre humanité n'a pas encore l' âge de raison,
puisqu'elle ne sait pas encore se conduire, qu' elle n'est pas
encore sortie de la carapace des instincts grossiers de la
brute, et que les peuples les plus avancés sont encore
essentiellement militaires, c'est−à−dire esclaves ; mais elle
est destinée à devenir instruite, éclairée, intellectuelle, libre
et grande dans la lumière du ciel. −à ses côtés, sur les îles
flottantes qui nous accompagnent dans l'espace, et dans le
sein des profondeurs inaccessibles de l'infini, les autres
terres ses soeurs portent aussi des humanités vivantes, qui s'
élèvent en même temps qu'elle dans le progrès indéfini, et
vers une perfection qui brille au−dessus de toutes les
destinées comme l'étoile au fond des cieux.
Comment la terre s'est−elle formée ? âge de notre planète ;
son passé ; son avenir. L'origine et la fin des mondes. Les
pages précédentes nous ont fait connaître la place que nous
occupons dans l'univers et nous ont fait apprécier la terre
comme astre du ciel. Tel était, en effet, le premier point de
vue sous lequel il nous importait de considérer notre globe,
afin de nous affranchir pour toujours du vaniteux sentiment
qui nous avait fait jusqu'ici considérer la terre comme la
base et le centre de la création, et de ce patriotisme de
clocher en vertu duquel nous préférions notre pays au reste
du monde. Bientôt nous nous occuperons des autres astres,
7Astronomie populaire
en suivant l'ordre logique des situations et des distances.
Notre programme céleste se trace de lui−même devant nous.
La lune sera la première étape de notre grand voyage ; nous
nous arrêterons à sa surface pour contempler son étrange
nature et étudier son histoire ; c'est l'astre le plus rapproché
de nous, et elle fait pour ainsi dire partie de nous−mêmes,
puisqu'elle accompagne fidèlement la terre dans son cours et
gravite autour de nous à la distance moyenne de 96000
lieue