Développer la compétitivité de l'agriculture française en corrigeant l'émiettement de la propriété foncière en petites unités peu productives et en rationalisant et en modernisant les exploitations : tels ont été les objectifs de l'arsenal juridique élaboré au cours des 20 années consécutives à la seconde guerre mondiale. Statut du fermage infléchissant les rapports locataire-propriétaire en faveur du fermier, encadrement de la superficie ouvrant droit à l'autorisation d'exploiter, contrôle foncier visant à favoriser l'accès à la terre de jeunes agriculteurs : ces dispositifs articulés sur le niveau départemental ont contribué à consolider l'exploitation familiale moyenne, alors tenue pour le cadre optimal de la modernisation. Dans les années 1980, la substitution du marché agricole unique européen au protectionnisme ayant cours jusqu'alors, assortie de directives communautaires conformes au caractère plus libéral de la législation agricole des autres pays européens, ont conduit à réduire la politique de soutien aux marchés. Le système des quotas adopté pour le lait et la viande a cependant indirectement renforcé les droits et l'autonomie du fermier vis-à-vis de son (ses) propriétaire(s). La création des commissions départementales d'orientation de l'agriculture (CDOA) en 1995, enfin, a eu pour objectif d'assurer la coordination au niveau départemental des différents instruments des politiques agricoles. Avec l'émergence du marché mondial, il s'est avéré parfois difficile de concilier l'objectif de compétitivité avec la poursuite d'une politique volontariste visant à maintenir des structures familiales de production. Cela explique une politique foncière aux objectifs quelquefois ambivalents ou difficiles à adapter aux spécificités locales. Ainsi, le fonds agricole cessible, destiné à inciter les exploitants à une démarche d'entreprise, s'est-il révélé difficile à mettre en uvre.
Les poltques foncèes acolesen Fance depus 1945Jean-Pee Bonon*
Développerlacompétitivitédelagriculturefrançaiseencorrigeantlémiettementdelapropriété foncière en petites unités peu productives et en rationalisant et en modernisantlesexploitations:telsontétélesobjectifsdelarsenaljuridiqueélaboréaucoursdes20 années consécutives à la seconde guerre mondiale. Statut du fermage infléchissantles rapports locataire-propriétaire en faveur du fermier, encadrement de la superficieouvrantdroitàlautorisationdexploiter,contrôlefonciervisantàfavoriserlaccèsàla terre de jeunes agriculteurs : ces dispositifs articulés sur le niveau départemental ontcontribué à consolider lexploitation familiale moyenne, alors tenue pour le cadre opti-mal de la modernisation.Dans les années 1980, la substitution du marché agricole unique européen au protec-tionnismeayantcoursjusqualors,assortiededirectivescommunautairesconformesaucaractère plus libéral de la législation agricole des autres pays européens, ont conduit àréduire la politique de soutien aux marchés. Le système des quotas adopté pour le lait etlaviandeacependantindirectementrenforcélesdroitsetlautonomiedufermiervis-à-vis de son (ses) propriétaire(s). La création des commissions départementales d’orienta-tion de l’agriculture (CDOA) en 1995, enfin, a eu pour objectif d’assurer la coordinationau niveau départemental des différents instruments des politiques agricoles.Avec l’émergence du marché mondial, il s’est avéré parfois difficile de concilier l’objec-tifdecompétitivitéaveclapoursuitedunepolitiquevolontaristevisantàmaintenirdesstructures familiales de production. Cela explique une politique foncière aux objectifsquelquefois ambivalents ou difficiles à adapter aux spécificités locales. Ainsi, le fondsagricole cessible, destiné à inciter les exploitants à une démarche d’entreprise, s’est-ilrévélé difficile à mettre en œuvre.
* CESAER Djon
ÉCONOMIEETSTATISTIQUEN°444445,2011
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Luctoilliesastioounlèvdee ldaesterprreobplaèrm leasctisvpiétécifiaqgruie-s.Comme le notait Kautsky, « les moyens de pro-ductiondanslindustriepeuventêtremultipliésà volonté, tandis quen agriculture, le moyenessentiel de production, le sol, a, dans des condi-tions données, une étendue donnée, et ne peutêtre augmenté à volonté » (Kautsky, 1900). Lasuperficie agricole, disponible en quantité limi-tée,aplutôttendanceàseréduiresousleffetdela demande de terrains agricoles pour des usagesnon agricoles (urbanisation, infrastructure, etc.).Il en résulte une vive concurrence pour laccèsau foncier qui oppose les agriculteurs aux autresacteurs économiques, mais aussi les agriculteursentre eux. Les terres mises en valeur par l’agri-culture professionnelle représentent en 2007 enFrance 52 % de lactif total agricole (AgresteGraphagri, 2009). L’accès au foncier est perçuparlagriculteurcommeuncoûtdeproductionsupplémentaire qui grève sa compétitivité. Lesfinancements nécessaires à l’acquisition de ter-res peuvent entrer en concurrence avec ceux quipermettraient de réaliser des investissements deproductivité.Si certains auteurs (Rueff et Armand, 1960 ;Ourliac et de Juglard, 1951 ; Bergmann etBaudin, 1989) ont pu considérer la politiquefoncière agricole française comme une sourced’inefficacité économique, nous adopteronspour notre part une approche consistant à ana-lyser les raisons de sa mise en œuvre et lesmodalités de son application dans un cadre his-torique où la production institutionnelle résulted’un arbitrage dans des conflits d’intérêts. Nousréférant aux approches institutionnalistes his-toriques (Hall et Taylor, 1997 ; Thelen, 2003 ;Mahoney, 2001 ; Groupe Polanyi, 2008), l’ob-jetdecetarticleaétédanalyserlesdétermi-nants économiques et institutionnels de la miseen place de ces politiques foncières, la manièredont elles ont été progressivement intégréesdans le code rural français ainsi que les moda-lités selon lesquelles les objectifs politiques, lesréférentiels et les discours qui les portent sontintégrés, négociés, infléchis et mis en œuvre pardes porteurs dintérêts, en fonction des prati -ques antérieures. Cette recherche s’appuie surlanalysedestexteslégislatifsetréglementairesconcernant la politique foncière agricole miseen place par la France depuis la Libération. Elleporte notamment sur les modalités de son élabo-ration, le calendrier de sa mise en œuvre et surl’identification et le rôle des acteurs intervenantdans sa construction. La littérature spécialisée,notamment les rapports ministériels, les débatsparlementaires, les propositions des différents
acteurs parties prenantes dans lélaboration de lapolitique agricole, a été mobilisée pour recenserles débats et interpréter les compromis auxquelselleadonnélieuetlesmodalitésdapplicationdes mesures prises. Même avec des objectifsclairement définis, une loi peut rester inappli-quée ou être appliquée de manière imparfaite.Aussi nos recherches ont-elles porté sur l’appli-cation des politiques foncières mises en œuvreen France dans la seconde moitié du XXe siècle,etsurleursconséquencessurléconomiedusec-teur agricole et le fonctionnement des exploita-tions agricoles. L’analyse porte donc à la foissurlesdéterminants,lesmodalitésdapplicationet les effets des politiques foncières.Émettement de la popétéfoncèe en explotatons toppettes pou ête poductvesEncelduéifi dniess«ajnotulierdertoditeddeispproosperriédteésccohmosmeesde la manière la plus absolue », larticle 544 ducode civil avait supprimé les coutumes sécu-laires qui avaient abouti à la création des pro-priétéscollectivesouàcelledelexistencedeplusieurs droits de propriétés sur le même sol.Au XIXe siècle, la reconnaissance du droit depropriété privée individuelle et absolue du solétait nécessaire à la disparition de la jachèreet de l’assolement triennal. Elle a permis uneaugmentation des surfaces cultivées, une utili-sation plus intense des sols et, consécutivement,un accroissement de la production agricole. Lemodèledeproductionquisestimposéestceluide la culture intensive des sols dans de petitesexploitations familiales de polyculture-élevagefacilement adaptables (1),1 et nécessitait unemain d’œuvre abondante et très faiblement pro-ductive (Gervaiset al., 1965). Les trois crisesqui se succédèrent entre 1914 et 1945 (guerrede 1914-1918, crise de 1929 et guerre de 1939-1945) montrèrent les limites de ce modèle deproduction. Lorsque les capacités de produc-tion agricoles sont hypothéquées par un conflitarmé (mobilisation massive des paysans pourcombattre lennemi, destruction de lappareil deproduction...), lagriculture nationale nest pas
1. le caracère fama de ces pees expoaons de poyc-re-éevae er conféra ne rande capacé dadapaonface à des condons cmaqes mpréves o à des condonsde marché q povaen enraîner de fores basses de revens :ces expoaons éaen fabemen sarces de consomma-ons nermédares e povaen se reper sr aoconsomma-tion en cas de difficults de mise en march.