Peu importe l’endroit, peu importe le continent, peu importe la culture, à toutes les fois que je montrais ces photos, la même question revenait sans cesse : c’est quoi çà ? Je me faisais alors un devoir de ne rien dévoiler, de laisser planer le mystère afin que chacun puisse en fin de compte y découvrir un sens, une réalité, une explication qui lui soit propre. Il en est ainsi de la nature en général. La nature est un merveilleux mystère que l’homme tente de déchiffrer. En ce sens, la nature n’est que perception. La physique quantique en notre siècle, va encore plus loin lorsque qu’elle admet que l’acte même de perception par l'observateur et la chose observée forment un seul et même système. C'est l'acte même d'observation et la prise de conscience qu'il entraîne qui concrétise la réalité, la matière observée. Un document de 47 pages illustré de plus de 35 photos insolites et pourtant bien réelles qui nous questionne sur notre rapport avec la poésie de la nature. «Le monde visible ne devient le monde réel que par l’opération de la pensée» (Gleizes, Metzinger)
Lastrologue, le forgeron, lalchimiste, tous rêvent de moyens rapides pour arriver à dominer le milieu. Le rêve oriente lactivité humaine. La magie devient un raccourci par lequel lhomme veut pénétrer le secret et le mystère de la vie. La grande originalité de lalchimie fût de créer les instruments qui permirent les actes de broyer, moudre, brûler, distiller, dissoudre la matière ainsi que lobservation des résultats. Lalchimie a été le pont qui a permis à limagination datteindre les rives de la science». (Mumford, Technique et civilisation, 1953)
au ra atten re e oyen- ge o sous n uence desArabes,desmathématiques,larechercheCopernicetGaliléefurentlespremiersàdémolirla expérimentale, les sciences exactes de la nature vision chrétienne du monde. inspirées des Grecs soient réintroduites en Europe. Unmouvementsemparadesesprits.t«iIqlu (l e u s n , i v e e t r l s e ) sespteérscroitnndaagnessleelnansgoantgleedsetrsiamnagtlehsé,mleas-«Pourlalchimiste,lanaturelivresessecretsparlacerclesetautresfiguresgéométriques,sans connaissance scientifique et la contrainte magique lesquelles il est humainement impossible d en com-des sciences occultes. Lalchimiste perpétue le prendre un seul mot; sans elles, nous partons à tmecythhneiqudeudfeotrrgaenrsomnutdaetiolnadeprléahimstaotiirèere.etToudjeoulrasl S a ag v i e at n o t r u e r c e i té d p a a n r s S til u lm n an o b D s ra c k u e r in l a D b is y c r o in u t rs h e e s » a . n(dGOalpiliénieo,nIsl of Galileo, Doubleday Anchor Books, N.Y. USA, 1957, p.237-empreint de «religiosité», cest le drame mystique 238) de dieu, sa vie, sa mort, sa résurrection, qui est projeté sur la Matière pour la transmuer. Avec Galilée samorce une véritable crise de Lalchimiste traite la Matière comme le «prêtre», le civilisation: la terre nest plus le centre du monde, devin, interprètent les Mystères. La Matière cest la terre qui tourne autour du soleil et non transmuée acquiert le symbole de limmortalité (Or) linverse.. Par cette seule affirmation, Galilée met et de la rédemption par loeuvre alchimiste. fin à près de vingt et un siècles dune conception de
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lunivers clos telle que propagée par la Bible depuis que partageant les vues de Galilée ainsi que la lAntiquité jusquau Moyen Age. Toute une vision du révolution scientifique qui samorce, Descartes monde sécroule. Lhomme se retrouve perdu et comprit quil fallait redonner à lhomme une place seul dans linfini où lhomme nest plus le centre. dans linfini sous peine danathème et de réclusion sociale. 1632 marque lannée où la nature est déchue, vaincue.Maintenant conquise, la déesse archaïque de la Terre-Mère est vidée de sa substance spirituelle pour déchoir vers la disgrâce de son nouvel attribut ; la nature est une machine.
Les signes naturelles signalant la présence de Dieu deviennent des abstractions mathématiques et géométriques. Contrairement à Pythagore pour qui les mathématiques représentaient la pensée de Dieu et la nature sa symphonie, avec Galilée, les mathématiques deviennent des lois pures et dures, froides tandis que la nature amorce sa décadence. La nature est ainsi dépouillée de ses formes, de ses couleurs, de ses odeurs, en somme, la substance intrinsèquement divine remplacée par des concepts mécaniques.
Lhomme en est décentré spirituellement et psychologiquement. Cette «hérésie» de Galilée Puisque la première certitude est celle de mon sera sévèrement jugée par le tribunal de existence révélé par la conscience, par la pensée lInquisition : Galilée devra se rétracter sous peine (Je pense donc je suis) et que le néant, linfini, la de mort. Descartes saura très bien analyser le nature, ne peuvent pas penser, alors je, ma contexte théologique de lépoque et sempressera conscience dêtre, est le point dappui de toute de redéfinir la place de lhomme dans linfini. Bien connaissance.
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Cest par ma conscience que le monde, les naturel sur une base purement mécanique, galaxies, les planètes, la nature, lautre existent. Descartes transféra lordre divin à la machine, celle Descartes vient de déposer à nouveau lhomme sur qui assouvira notre désir de domination. Dans son le trône de lunivers, inspirée par la théologie Discours de la Méthode , il observe: chrétienne. En actualisant lIncarnation de Dieu dans le Je, Descartes déjoue lInquisition et Car elles (les difficultés en physique) mont fait voir quil redonne à la lhomme une position est possible de parvenir à des connaissances qui anthropocentrique. soient fort utiles à la vie; et quau lieu de cette philosophie spéculative quon enseigne dans les Avec Descartes, lhomme est déposé sur le trôneécoles, on en peut trouver une pratique, par de lunivers. Lespace devint réel; il sagit alors de laquelle, connaissant la force et les actions du feu, se lapproprier, le temps est réel; alors divisons-le deleau, de lair, des astres, des cieux et de tous en heures et minutes, la matière est réelle; les autres corps qui nous environnent, aussi codifions-la en la mesurant et la pesant. distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions «Oui la nature peut-être mesurer mais l homme employer de la même façon à tous les usages ne doit pas en être la mesure» (Marie Victorin). auxquels ils sont propres et ainsi nous rendre maîtres et possesseurs de la nature Ce désir de dominer la nature orienta lesprit humain vers lextérieur et suggéra le besoin dagir Ainsilhomme nest pas perdu dans lunivers mais sur ce monde et ainsi créer les instruments seulement égaré et seule la science lui permettra nécessaires pour y parvenir. La méthode deretrouver son chemin. Avec Descartes, lunivers scientifique naissante permit de simplifier le devient mécanique, machiniste, technologique et complexe, disoler les éléments entre eux. La lhomme en est le maître. La nature est un chose science se spécialisa en concentrant lanalyse matérielle, une machine coupée de toute réalité uniquement sur le monde matérielle, elle devait en spirituelle. effet dé-spiritualiser la nature. Poursuivant sur sa lancée, Descartes propose Dorénavant, la nature est associée à un ensuite la thèse selon laquelle il est impossible de mécanisme, une machine. En décrivant le monde trouver une différence entre lanimal et la machine.
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9 Spinoza, quant à lui, déclara que les humains sont Ce désir de dominé la nature orienta lesprit humain en droit « de se servir des bêtes à notre guise et verslextérieur et suggéra le besoin dagir sur ce de les traiter selon ce quil nous convient le mieux monde et ainsi créer les instruments nécessaires puisquelles ne saccordent pas avec nous parpour y parvenir. La méthode scientifique de nature et que leurs sentiments sont, par nature, lépoque permit de simplifier le complexe, disoler différents des sentiments humains ». Finalement, le leséléments entre eux. La science se spécialisa en philosophe Fichte compléta le tableau et affirma concentrant lanalyse uniquement sur le monde dans sa doctrine du droit naturel en 1796, que tous matérielle,elle devait en effet dé-spiritualiser la les animaux domestiques sont «sous la tutelle» de nature de ses mythes archaïques. lhomme en vue «dune utilisation régulière» et ne sont que «propriété». Quant aux animaux «La nature de Galilée, écrite en langage sauvages, ils sont «nuisibles» et «considérés mathématique, la nature de Descartes, où tout se comme un ennemi ». Voilà comment a été formulé fait par matière et mouvement est bien loeuvre du ce qui en Occident fait figure de lieu commun : Dieu créateur. Mais ce Dieu, léternel géomètre lanthropocentrisme ne reconnaît pas de droit à la de Voltaire, est en réalité la plus formidable créature, il ne connaît que les hommes et ses caution que la raison humaine ne se soit jamais besoins qui perpétueront, comme plusieurs donnée dans sa conquête de la nature.» (Jacques sociétés antiques auparavant, lasservissement Roger, La science nous renvoie notre image in Série sciences des hommes à travailler comme des bêtes de en société no.9, Autrement, avril 1993, p.131) somme : lesclavagisme comme concept de la cupidité humaine et, au pire, à éliminer ceux quiCest dans les ouvrages théoriques intitulés résisteront. Principia et Opticks que Newton postule que tous les phénomènes observés impliquent une Depuislepaléolithique,lhommenàcessédecréerfdoersmcreiptdioenmmaastsheé,mdateiqtuaeillee,tdgeéovmoélturimqeueetsoduse des outils de plus en plus sophistiqués pour accroîtrelepouvoirdelhumainsursonpmrionucvipeemsedntesla:gDéioeuméatriceréeétdleelomiosnmdaethàépmaarttiirdes environnement et ainsi assurer sa survie. Comme ques. nosancêtresaustralopithèquesquiaccordaientauxL«uOnrdarrebrmeéceastniuqnueesmuaccchéidnaeààlfoardbrrieqdueerladnuatbuories»:. outils un aura spirituel, la machine deviendra la (Descartes) nouvelle déesse profane de lhomme moderne.
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11 Grâce à la révolution scientifique, lespace, le Auparavant, dans lAntiquité et au Moyen Âge, les temps, la matière devinrent des entitéschoses, les corps révélaient leur essence à algébriques, géométriques. La science naturaliste lhomme par la contemplation qui permettait à lêtre néchappa pas à cette tyrannie instrumentale; elle de se rapprocher du divin. Avec Galilée, Descartes tenta elle aussi de hiérarchiser la nature à partir de et Newton, nous assistons au dépouillement du réel lhomme comme valeur suprême et chercha à partir et à léviction de Dieu de la matière. de cette perception à établir lorientation de nos choix. Le Royaume de Dieu est aux cieux, celui de lhomme sur terre. Ainsi le désir de lhomme La nature existait pour être explorée, pour être moderne nest plus de contempler la création mais envahie; elle devait être conquise pour être dagir et transformer les choses qui lentourent ce comprise. La machine devient linstrument de cette quiimplique la mutation suivante : lhomme ne connaissance et lordre divin fut transférer à la chercheplus son salut dans lau-delà mais ici-bas. machine ; Dieu devint le «grand horloger» de lunivers. Le mépris affiché par lÉglise envers la Agir sur le réel, voici donc le travail de lartisan, de nature et le corps humain - le corps tend à la lingénieur propulsé au premier rang. Le corruption - ouvrit toute grande les portes aux développement des techniques est non seulement visions mécaniques et machinistes de la science. une révolution matérielle mais aussi un La machine, par sa copie des fonctions et des bouleversement cosmologique et bien sûr membres du corps, ne projetait que la vision dun métaphysique. Toute la conception cosmologique corps mutilé déjà martyrisé, flagellé, haï par la de lUnivers, toute la conception traditionnelle des religion. objetset des formes que lhomme avait patiemment mise en place seffondre comme un jeu de carte. Usurpant le pouvoir de création à Dieu, Galilée, Au yeux de lhistorien des sciences Alexandre Descartes, Newton, devinrent les démiurges de la Koyré, il sagit «de la révolution la plus profonde modernité, les instigateurs du coup dÉtat accomplie ou subie par lesprit humain depuis métaphysique amenant à la divination de lhomme. linvention du Cosmos par les Grecs». Cest exactement dans cet optique que sest Mais surtout, agir sur le réel implique que le monde accompli la grande révolution scientifique. est imparfait donc perfectible, que la nature est