Jacques André François Ansermet Monique Bydlowski Catherine Chabert Maurice Corcos Bertrand Cramer Roland Gori André Green Didier Houzel Patrice Huerre Vassilis Kapsambelis Sylvain Missonnier Francisco Palacio Espasa René Roussillon Daniel Widlöcher Gianna Williams
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« Nous ne savons r enoncer à rien », disait Sigmund Freud, et pourtant nous avons tant à perdre : des objets nar cissiques, objectaux, et même l’investissement des objets en tant que tels… ! Qu’y a-t-il donc à per dre chez le bébé avant de pouvoir perdre des objets constitués ? De quelle dépression s’agit-il à l’adolescence ? Des dépressions narcissiques centrées sur la
Alain Braconnier est médecin psychiatre, psychanalyste, chef de service de la consultation pour adolescents du centre Philippe-Paumelle (Paris).
Bernard Golse est professeur de psychiatrie infantile à Paris, psy-chanalyste, chef du service de pédopsychiatrie à l’hôpital Necker-Enfants malades.
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Dépression du bébé, dépression de l’adolescent
honte aux dépressions objectales centrées sur la culpabilité, la chose est en réalité fort subtile, car on peut aussi se sentir coupable d’être honteux, et honteux d’être coupables ! Les modalités de la position dépressive et des dépressions primitives du bébé annoncent-elles un certainbreakdownde l’adolescence ? 1 Cet ouvrage se propose de parcourir ces ques-tions tout en tentant d’y porter remède, en s’ap-puyant sur l’observation, l’écoute et la parole. Comment la musique mélancolique qui habite, de sa naissance à sa mort, tout être humain, s’éclaire-t-elle par ce qui, chez le bébé, préfigur e l’adolescence, et ce qui chez l’adolescent transfi -gure le bébé qu’il a été ? De même que l’objet trouvé n’est jamais que retrouvé, l’objet perdu ne serait-il jamais que reperdu ? « On ne veut jamais que son destin », écrivait Thomas Mann sous l’influence de Goethe et de Freud. S’il y a trace du bébé chez l’adolescent, il y a trajectoire vers l’adolescence chez le bébé. Si l’adolescent est le devenir du bébé, paradoxale-ment le bébé et l’adolescent sont l’un et l’autre ressentis et se ressentent eux-mêmes comme une construction, une création inattendue et radicale-ment nouvelle.
1. Les différents chapitres sont issus des exposés de notre troisième colloque BB/Ado consacré au thème de la dépr es-sion.
Extrait de la publication
Avant-propos
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À propos de la problématique dépressive du bébé et de l’adolescent, plusieurs enjeux viennent alors spontanément à l’esprit.
La contribution développementale du processus dit « de séparation individuation » au cours de la petite enfance et au cours de l’adolescence, est essentielle et constitue, pour ces deux périodes de la crois-sance et de la maturation psychiques, un fonde-ment désormais bien connu de tous. Prévalent, en effet, à ces deux étapes de la vie, ce processus confirme l’importance des liens qui existent entre la petite enfance et l’adolescence. Certains ont ainsi parlé de naissance et de renaissance à propos de ces deux étapes du dér oulement de la vie. Le sujet humain ne pour rait construire son identité propre qu’au prix du deuil du fantasme de fusion avec l’autre, ou de protection de la part de l’autre.
Le devenir des bébés dès leur origine, ce qui est désigné par certains comme « l’originaire », nécessite une meilleure compréhension de l’arti-culation entre les aspects « physiologiques », soit le corps infantile et le corps puber taire, et les aspects « psychologiques », soit la corporéité psy-chique. Comment la problématique dépressive permet-elle d’interroger cette articulation entre le corps somatique et le corps psychique à ces deux moments fondamentaux de l’existence ? Cela mérite, également, une mise au jour pour tous ceux qui ont le souci de prendre en compte l’en-semble des facteurs en jeu dans le champ du développement.
Extrait de la publication
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Dépression du bébé, dépression de l’adolescent
Enfin, l’importance des parents, de leurs attentes concernant leur enfant se doit d’évoluer au fur et à mesure que l’enfant grandit. Cette évolution ne va pas de soi. Le deuil des idéaux, des projec-tions réparatrices de sa propre histoire et des illusions que l’avenir soutient, viennent là aussi nous questionner. Si pour l’enfant et plus encore l’adolescent, la science se préoccupe de leurs aléas dépressifs, qu’en est-il en ce qui concerne les bébés propre-ment dits ? À notre connaissance, il n’existe aucun travail épidémiologique fiable sur le sujet. Le bébé serait-il pour la science dite « dur e », exclu de la possibilité d’êtr e déprimé ? Déni ou réalité ? Ce livre nous appor te des éléments de réponse. Certes, le retour de l’investissement libidinal sur la trace de l’objet perdu, sur sa représentation interne, le surinvestissement de cet objet interne perdu puis, peu à peu, son lâchage pour réin-vestir la réalité exter ne, tout ceci suppose sans doute un appareil psychique suffisamment diffé-rencié. Est-ce qu’un bébé est déjà capable d’un tel travail psychique ? Sans doute pas ! Mais comme Léon Kr eisler l’avait déjà suggéré en son temps, peut-être peut-on conserver le terme de « dépres-sion » pour le bébé, à la condition de l’entendre dans son acception la plus simple, soit la dépres-sion comme chute de pr ession (dé-pression), comme baisse des pulsions et des instincts de vie. N’est-ce pas le cas, aussi, dans les moments dépressifs de l’adolescent ?