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Description
Sujets
Informations
Publié par | Mémoire d'encrier |
Date de parution | 28 avril 2014 |
Nombre de lectures | 45 |
EAN13 | 9782897122065 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 2 Mo |
Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Histoire du style musical d’Haïti
Claude Dauphin
Collection Essai
Mise en page : Virginie Turcotte
Maquette de couverture : Étienne Bienvenu
Dépôt légal : 2 e trimestre 2014
© Éditions Mémoire d’encrier
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Dauphin, Claude, 1949-
Histoire du style musical d’Haïti
(Collection Essai)
ISBN 978-2-89712-205-8 (Papier)
ISBN 978-2-89712-207-2 (PDF)
ISBN 978-2-89712-206-5 (ePub)
1. Musique - Haïti - Histoire et critique. I. Titre.
ML207.H6D38 2014 780.97294 C2014-940222-8
Nous reconnaissons, pour nos activités d’édition, l’aide financière du Gouvernement du Canada par l’entremise du Conseil des Arts du Canada et du Fonds du livre du Canada.
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Mémoire d’encrier
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Réalisation du fichier ePub : Éditions Prise de parole
À Mimi Barthélémy
Avis orthographique
Dans le corps du texte, les mots créoles sont orthographiés selon la norme phonétique prescrite par l’IPN (Institut pédagogique national d’Haïti). Toutefois, dans les citations, la graphie, souvent étymologique, des auteurs est respectée. Il en est de même de la graphie des citations en français ancien, lorsqu’elles proviennent des éditions d’époque.
Remerciements
Ce livre, issu de curieuses conjonctions de la volonté et du hasard, a pour origine une histoire inspirante d’héroïsmes : celui de Félix Hérissé, premier documentaliste sérieux de la musique haïtienne, et celui de Louis Maximilien, médecin, ethnologue du vaudou, archéologue de la culture précolombienne. Ils ont payé de leur vie leurs divergences de vues avec l’autre médecin-ethnologue devenu dictateur d’Haïti, au début des années 1960. Sachant leur existence condamnée, leur dernière action a été de transmettre le plus précieux de leurs collections musicales à ceux qu’ils jugeaient dignes de recevoir cette mission noble et risquée : Robert Durand, pour le premier, Maria Éthéart, pour le second. Sans la patiente amitié de ces derniers, je croirais tout savoir de la musique haïtienne sans rien en connaître. À l’infinie richesse des liasses de documents qu’ils m’ont léguées, se sont ajoutés les enregistrements sonores effectués par Paul Dejean, dans les campagnes haïtiennes au cours des années 1960. Ma dette à l’égard de ces devanciers est énorme. Je ne pouvais rester coi au terme du voyage qu’ils m’ont invité à faire dans l’histoire de la musique d’Haïti.
Il m’a fallu vingt ans pour examiner les documents originaux et analyser les nombreuses partitions musicales qui les accompagnaient. Puis, j’ai mis deux ans à écrire cet ouvrage, au cours desquels le soutien de mon entourage familial fut exemplaire : celui de mes fils Simon et Étienne, qui m’ont aidé à accomplir les transitions informatiques nécessaires à l’élaboration d’un tel ouvrage ; celui de mon frère Dany qui m’a permis de puiser librement dans sa vaste collection de musique populaire de danse ; celui de ma sœur Nella et de son mari Jacques Thébaud, qui m’ont offert l’asile de leur résidence secondaire située dans un coin paradisiaque du parc des Everglades, en Floride, où j’ai terminé l’écriture du livre, au printemps 2013.
Au cours de cette période d’écriture, mes amis les plus proches, ils se reconnaîtront certainement, déployèrent une inventivité sans borne pour faciliter l’aboutissement de mon entreprise. Ne pouvant faire le décompte de leurs actions, qu’il me soit permis de signaler celles et ceux qui ont généreusement mis leurs compétences professionnelles au service de l’ouvrage. Édith Bouyer, ma précieuse compagne et collaboratrice, qui s’est chargée du dépouillement des collectes de terrain, de leur classification numérique et de la relecture critique du chapitre sur les contes chantés. Christiane Léaud, à qui je dois la minutieuse révision linguistique de l’ensemble du texte. Enfin, les intervenants qui, comme Gulliver Fournier, à titre d’assistant de recherche, a réalisé la notation des exemples musicaux, ou, comme mon collègue Louis Babin, compositeur et chef d’orchestre, a bien voulu réexaminer ces exemples et y apporter sa touche finale.
Avant-propos
Haïti offre le spectacle d’une culture indomptée et luxuriante dont la vertigineuse vivacité dédommage des énormes défaillances d’organisation et de structuration de sa société. Cette exubérance culturelle affirmée dans un quotidien bigarré, tissé de misère et de mystère, de survivances ancestrales insondables, se mêle à des efforts surhumains pour s’accorder aux valeurs universelles actuelles : démocratie, communication, écologie. D’invraisemblables archaïs-mes mêlés aux aspirations les plus audacieuses du monde contemporain déterminent la singularité des comportements culturels de cette petite nation de dix millions d’habitants située au cœur des Amériques. De toute évidence, les racines de cette culture, profondément enfouies, constituent des rhizomes complexes dont il n’est pas toujours aisé de démêler les alliances.
La musique d’Haïti est caractérisée par deux tendances paradoxales : 1) la conservation du patrimoine africain ; 2) l’invention du style créole. L’héritage africain et les apports européens qui se sont côtoyés pendant la colonie, puis l’addition des influences inter-américaines survenues après l’Indépendance ont convergé vers une typologie musicale nationale, prédominante au niveau populaire, certes, mais aussi juxtaposée à plusieurs autres courants de création moins perceptibles au premier abord. C’est là le cadre historique de cette typologie que je nomme le style musical d’Haïti et dont, par cet ouvrage, je tente de rendre compte en observant la constitution de son substrat patrimonial et ses interactions avec une modernité constamment renouvelée.
Un tel sujet aura toujours le mérite de susciter la curiosité, car tout ce qui touche à la musique fascine. Pourtant, si l’on y réfléchit bien, une Histoire du style musical d’Haïti est susceptible de confronter le lecteur à d’exigeantes réflexions sur un art associé, dans l’esprit du public, à du divertissement pur et simple.
Déjà, le fait de stipuler l’existence d’une pluralité d’influences et d’une diversité de genres musicaux dans l’aire culturelle qui nous occupe ne manquera pas de heurter l’opinion répandue qu’il n’existe, en Haïti, que la musique de danse et un style unique : le konpa . Pourtant, cette mode musicale n’est qu’une étape récente de la longue évolution d’un pattern stylistique englobant et multiple, issu du métissage d’apports africains et européens au cours de la créolisation effectuée pendant la période coloniale française. J’ai l’intime conviction que le trait de civilisation le plus caractéristique de nos sociétés d’Amérique au passé colonial réside justement dans cette faculté de recycler et de transformer des éléments préexistants. Ces mutations incessantes imprègnent tout le tissu de vie. Cela explique que le style musical antillais en général, et haïtien en particulier, apparaisse comme un fleuve au long cours dont les rives, d’où proviennent ses alluvions, sont des réserves de coutumes ancestrales qui gouvernent son élan.
Ce livre se veut un ouvrage de musicologie. Qu’est-ce à dire? Non pas que la musique soit une science en soi, mais qu’il existe des règles précises pour l’aborder, pour l’analyser et pour la présenter de manière rationnelle. Ainsi, une histoire de la musique commande une objectivité, s’appuie sur des observations vérifiables, répertorie et analyse les éléments du langage musical, classifie les instruments et, en dernier ressort, définit les genres et les styles. J’entends respecter ces règles tout en évitant d’imposer leur jargon qui n’apporterait rien au lecteur intelligent. La musicologie, dans ses procédés, se réfère aussi à des corpus réflexifs préexistants : je ne suis pas le premier à proposer une réflexion sur les pratiques musicales haïtiennes, voire à écrire sur cette musique et sur les musiciens qui l’ont faite et qui la font. Il me semble élémentaire de situer mon discours en rapport avec celui de mes devanciers, tant pour souligner ce que je partage avec eux que pour signifier mes divergences de vue. Aussi je me référerai le plus souvent possible aux musicologues et aux ethnomusicologues qui m’ont précédé et ont tenté de circonscrire l’univers musical d’Haïti.
Je dois, enfin, définir dès maintenant l’espace de cette étude : Haïti. Il serait bien naïf de restreindre Haïti au territoire géographique de la république qui porte ce nom. Je formulerais plutôt l’hypothèse d’une culture haïtienne transnationale en corrélation avec l’éclatement des frontières caractéristique de notre époque. En effet, ce pays, comme bien d’autres nations en mal de développement, de justice et de démocratie, a vu, à la fin du XX e siècle, plus du huitième de sa population s’expatrier en diverses cités industrielles ou commerciales d’Amérique et d’Europe. Les ressortissants qui, d’aventure, restent éloignés pendant plus d’une décennie de la terre d’origine, trouvent, à leur retour, un pays devenu méconnaissable tant la dégradation des conditions de vie et les tentatives désespérées de raccommoder le tissu social modifient le profil du paysage urbain et de la société. Cette métamorphose s’est encore considérablement accélérée depuis le terrible tremblement de terre du 12 janvier 2010.
Devenus étrangers à leur propre pays, les Haïtiens de la diaspora qui reviennent sur leur terre d’origine s’empressent le plus souvent de regagner rapidement leur exil apprivoisé. Quant aux citoyens de l’intérieur, leur vie semble trop souvent accrochée à l’espoir chimérique d’une hypothétique évasion. C’est peut-être là d’ailleurs un syndrome éminemment insulaire