La femme de cire
329 pages
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La femme de cire , livre ebook

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Description

René de Pont-Jest (1829-1904)



"Un soir de l’hiver de 1865, il y avait grand bal au n° 17 de la 23e rue Est.


Ce mode de désignation des rues indique assez que nous sommes dans l’Amérique du Nord, où, sans doute par mesure de précaution contre les réactions politiques, on numérote presque toujours les voies de communication, au lieu de leur donner des noms de personnages qui, célèbres et bienfaiteurs de l’humanité aujourd’hui, pourraient être voués aux gémonies par leurs remplaçants de demain.


Nous ajouterons, pour préciser davantage encore, que notre drame se passe à New-York, la capitale commerciale de cette gigantesque république fédérative que les démocrates nous citent comme un modèle d’institutions libérales, bien qu’on y pende ceux qui rêvent l’émancipation des esclaves, et que les noirs, les hommes de couleur eux-mêmes, ne puissent s’asseoir, ni au théâtre ni dans les voitures publiques, là où se placent les blancs.


Mais, aux États-Unis, contrée par excellence des contradictions sociales, politiques et religieuses ; pays où vivent côte à côte toutes les civilisations et toutes les barbaries ; où la faillite est une institution et le revolver un article du code ; où on se marie le soir pour divorcer vingt-quatre heures plus tard ; où un dentiste se fait à son gré chef de secte ou banquier ; où la population se double tous les vingt ans depuis un siècle ; où on met en actions des lacs de pétrole et des sources de lait condensé ; où il paraît quotidiennement un milliard d’exemplaires de journaux, c’est-à-dire trente et trente-cinq exemplaires par habitant ; où le plus ignare se proclame impunément jurisconsulte ou médecin ; où la vie humaine n’est rien, mais l’argent tout ; où la fin justifie les moyens ; où la jeune fille présente à son père l’homme qu’elle a épousé, alors même que le chef de famille n’a jamais entendu prononcer le nom de son gendre ; où le flirtage est l’école de la prostitution ; mais aux États-Unis, disons-nous, terre promise des aventuriers et des déclassés, on ne demande à nul d’où il vient ni ce qu’il a été ; on ne s’informe que de ce qu’il a et de ce qu’il veut être. À ce titre, les démagogues ont cent raisons pour une d’en admirer les coutumes et les mœurs.


C’est donc à New-York que nous conduisons cette fois nos lecteurs, au n° 17 de la 23e rue, chez miss Ada Ricard, la nouvelle étoile du monde galant de la grande cité américaine, mais étoile dont les profanes ne connaissaient l’éclat que par reflet, car son existence était enveloppée de mystère et on ne la rencontrait jamais dans aucun lieu public."



New-York, 1865 : Ada Ricard, belle femme entretenue par le richissime fabricant de biscuits Willie Saunders, est enlevée à son domicile, par trois Indiens, lors d'un bal costumé. Son amant, éconduit par la police, engage une agence de détectives...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 25 avril 2019
Nombre de lectures 1
EAN13 9782374633619
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Mémoires d'un détective


La femme de cire


René de Pont-Jest


Avril 2019
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-37463-361-9
Couverture : pastel de STEPH'
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 362
Première partie
Un cadavre anonyme
I
Un bal chez Ada Ricard

Un soir de l’hiver de 1865, il y avait grand bal au n° 17 de la 23 e rue Est.
Ce mode de désignation des rues indique assez que nous sommes dans l’Amérique du Nord, où, sans doute par mesure de précaution contre les réactions politiques, on numérote presque toujours les voies de communication, au lieu de leur donner des noms de personnages qui, célèbres et bienfaiteurs de l’humanité aujourd’hui, pourraient être voués aux gémonies par leurs remplaçants de demain.
Nous ajouterons, pour préciser davantage encore, que notre drame se passe à New-York, la capitale commerciale de cette gigantesque république fédérative que les démocrates nous citent comme un modèle d’institutions libérales, bien qu’on y pende ceux qui rêvent l’émancipation des esclaves, et que les noirs, les hommes de couleur eux-mêmes, ne puissent s’asseoir, ni au théâtre ni dans les voitures publiques, là où se placent les blancs.
Mais, aux États-Unis, contrée par excellence des contradictions sociales, politiques et religieuses ; pays où vivent côte à côte toutes les civilisations et toutes les barbaries ; où la faillite est une institution et le revolver un article du code ; où on se marie le soir pour divorcer vingt-quatre heures plus tard ; où un dentiste se fait à son gré chef de secte ou banquier ; où la population se double tous les vingt ans depuis un siècle ; où on met en actions des lacs de pétrole et des sources de lait condensé ; où il paraît quotidiennement un milliard d’exemplaires de journaux, c’est-à-dire trente et trente-cinq exemplaires par habitant ; où le plus ignare se proclame impunément jurisconsulte ou médecin ; où la vie humaine n’est rien, mais l’argent tout ; où la fin justifie les moyens ; où la jeune fille présente à son père l’homme qu’elle a épousé, alors même que le chef de famille n’a jamais entendu prononcer le nom de son gendre ; où le flirtage est l’école de la prostitution ; mais aux États-Unis, disons-nous, terre promise des aventuriers et des déclassés, on ne demande à nul d’où il vient ni ce qu’il a été ; on ne s’informe que de ce qu’il a et de ce qu’il veut être. À ce titre, les démagogues ont cent raisons pour une d’en admirer les coutumes et les mœurs.
C’est donc à New-York que nous conduisons cette fois nos lecteurs, au n° 17 de la 23 e rue, chez miss Ada Ricard, la nouvelle étoile du monde galant de la grande cité américaine, mais étoile dont les profanes ne connaissaient l’éclat que par reflet, car son existence était enveloppée de mystère et on ne la rencontrait jamais dans aucun lieu public.
Tout ce qu’on savait du passé d’Ada Ricard, c’est qu’elle avait été mariée à un riche négociant de Buffalo, James Gobson, personnage ivrogne et brutal, dont elle était parvenue à secouer le joug grâce à la cour des divorces, mais qui lui avait laissé certains souvenirs ineffaçables de sa tendresse.
Gobson, en effet, qui adorait sa femme et en était fort jaloux, l’avait un jour si maltraitée qu’elle n’était sortie de cette scène violente qu’avec une oreille déchirée et une dent de moins.
Ada Ricard cachait, il est vrai, sous un gros diamant, la cicatrice de sa mignonne oreille ; mais elle avait toujours refusé de remplacer la perle qui manquait à l’écrin de ses lèvres roses.
– De cette façon, disait-elle, je n’oublierai jamais ce que peut coûter un mari, et lorsque quelque folle ambition ou quelque sot amour serait sur le point de me faire perdre la mémoire, il me suffira de m’adresser à moi-même un sourire dans une glace pour me rappeler le passé.
Armée de la sorte contre ses propres faiblesses, la jeune femme s’était lancée hardiment dans la vie galante. Riche de dix à douze mille dollars que son mari avait dû lui restituer, elle avait débuté par les dépenser jusqu’aux derniers pour s’installer luxueusement, sachant bien que les hommes, dans leur orgueil, n’attachent pas moins de prix à la splendeur du temple qu’aux charmes de l’idole.
Cela fait, n’ayant plus pour tout capital que sa beauté, elle s’était bien gardée d’en disposer en faveur du premier venu ; elle avait attendu patiemment, se montrant à peine, refusant absolument tous les hommages, jusqu’au jour où un certain Thomas Cornhill, propriétaire d’inépuisables puits de pétrole, lui avait paru digne de son cœur.
Malheureusement, moins de trois mois après ce mariage de la main gauche, Thomas Cornhill avait passé subitement de vie à trépas, et miss Ada s’était trouvée veuve, avec cent mille dollars d’argent comptant, il est vrai, et une somme égale en bijoux, tant elle avait bien employé son temps.
Ada porta le deuil de ce premier amant pendant quelques semaines, puis d’un esprit essentiellement pratique, elle renouvela le personnel de sa maison, avant d’accepter pour nouveau seigneur et maître Willie Saunders, richissime fabricant de biscuits, qui s’était immédiatement présenté pour succéder au pauvre Cornhill.
Elle remplaça même sa femme de chambre par une belle et intelligente fille, Mary Thompson, qui était arrivée de l’Ouest peu de temps après la mort de Cornhill, ne connaissait personne à New-York, ni rien des anciennes amours de l’ex-Madame Gobson, et s’était présentée juste à point au moment où la place était vacante.
Lorsque Willie Saunders apprit que ses hommages et ses bank-notes étaient enfin agréés, il entra donc dans une maison relativement vierge, ce qui le flatta beaucoup.
C’était un gros homme d’une cinquantaine d’années, sensible, simple et vaniteux. Il adorait vraiment Ada et s’en crut bientôt tendrement aimé.
Aussi, tout à ses caprices, n’avait-il fait quelques observations que pour la forme, lorsque sa maîtresse lui avait parlé du bal qu’elle voulait donner.
D’abord, c’était là une fête qu’autorisaient médiocrement les mœurs américaines ; de plus, Saunders était fort jaloux. Il savait la jeune femme poursuivie par maints soupirants, surtout par un certain Edward Forster, colonel de l’armée fédérale et l’un des plus séduisants gentlemen du high-life new-yorkais.
Or, si convaincu que voulût être le brave marchand de biscuits de l’amour et de la fidélité d’Ada, il supposait naturellement que ses adorateurs, Forster tout le premier, profiteraient de la soirée pour se rapprocher d’elle plus qu’il ne le désirait, et cela le troublait fort.
Mais la jolie pécheresse s’y prit si adroitement que le gros Saunders ne résista pas longtemps.
C’était d’ailleurs une merveilleuse fille et le millionnaire bourgeois avait affaire à forte partie.
Grande, admirablement campée sur les hanches, blonde avec de grands yeux d’un bleu d’acier, des pieds et des mains d’enfant, une bouche sensuelle et rieuse, effrontée et ne craignant rien, Ada Ricard était bien faite pour plaire à ces acheteurs d’amour qui, de l’autre côté de l’Océan pas plus qu’en Europe, n’ont de temps à perdre en marivaudage.
Une seule chose inquiétait parfois la jeune femme au milieu de sa nouvelle existence, c’était le souvenir de son ex-mari. Ayant gardé mémoire de ses brutales amours et de sa jalousie, elle ne se rappelait pas sans terreur qu’il avait juré de se venger de son abandon.
Cependant, depuis le règlement de ses comptes, elle n’avait plus entendu parler de lui.
Ses amis de Buffalo eux-mêmes ne savaient trop ce qu’il était devenu. Un beau matin, il avait réalisé sa fortune et s’était dirigé vers l’Ouest. Les dernières nouvelles qu’on en avait eues étaient datées de San Francisco, où il vivait, disait-on, dans le plus grand désordre, courant les tripots et les mauvais lieux, cherchant bien évidemment à s’étourdir, à oublier.
Ada Ricard, qui tenait du brave Saunders ces renseignements, était donc dans la quiétude la plus parfaite. Aussi jamais n’avait-elle été plus gaie ni plus séduisante que ce soir-là où elle recevait ses invités.
Le bal de la courtisane étant travesti et masqué, maintes femmes du vrai monde s’y étaient hasardées afin de voir de près cette mystérieuse et dangereuse beauté qui menaçait de coûter à chacune d’elles un mari ou un amant.
Vers onze heures, les salons de l’ex-mistress Gobson présentaient un coup d’œil vraiment pittoresque.
Toutes les époques, toutes les classes de la société, toutes les légendes y avaient leurs représentants, depuis les compagnons d’armes de Christophe Colomb jusqu’aux trappeurs du Far-West, depuis Méphistophélès jusqu’à l’arlequin vénitien. Du côté des femmes, c’était un chatoyement de dominos de toutes les couleurs et un éblouissement de pierreries.
Ada Ricard portait, elle, un splendide costume d’Indienne du temps de la conquête espagnole. Elle avait aux oreilles des diamants de 10.000 dollars ; au cou, un triple collier de perles d’une valeur au moins égale, et, aux bras ainsi qu’aux chevilles, d’énormes bracelets d’or massif.
Tous ces hommes, qui la connaissaient à peine de vue, et toutes ces femmes, qui en avaient tant entendu parler, la dévoraient littéralement du regard et l’admiraient. Saunders, à qui cette fête allait coûter cinq ou six mille dollars, ne quittait pas sa maîtresse des yeux.
Absolument grotesque sous l’uniforme d’un highlander, il tentait à chaque instant de se rapprocher d’elle ; mais Ada lui rappelait d’un mot, d’un geste ou d’un coup d’œil, qu’elle entendait être entièrement à ses invités pendant toute la nuit, et le gros homme s’éloignait docilement, en poussant un soupir auquel répondaient charitablement par des éclats de rire ceux de ses amis qui étaient au courant de ses faiblesses.
Assez calme pendant deux ou trois heures, le bal devint ensuite fort animé et la gaieté se fit bruyante, comme cela arrive trop souvent dans les réunions américaines, où, si épurées qu’elles puissent être, se glissent toujours les gens grossiers et communs auxquels l’argent donne partout droit de cité dans ce pays.
Bientôt

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