Ce livre s’inscrit d’emblée en opposition à la réforme de l’éducation qui est appliquée au Québec depuis plus d’une décennie. Mais le point de vue n’est en rien passéiste ni réactionnaire. L’auteur s’est exprimé depuis le début contre les principales idées sur lesquelles s’appuie cette réforme. Ses prises de position critiques lui ont valu de sérieux adversaires et même un certain ostracisme. « Dans le milieu de l’éducation, écrit-il, il était interdit, sous peine de sanctions symboliques assez fortes, d’exprimer des réserves ou de formuler des critiques à l’endroit du système qui se mettait en place. » L’auteur rassemble dans ce livre trois essais importants et une dizaine de chroniques qui ne manqueront pas d’alimenter la discussion et la polémique sur les grands enjeux actuels de l’éducation. Normand Baillargeon est professeur en sciences de l’éducation à l’UQAM. Il se définit lui-même comme un essayiste et un militant libertaire. Il collabore à des publications alternatives comme le mensuel Le Couac, À bâbord ! et à la revue de philosophie Médiane, dont il est l’un des fondateurs. Il a publié plusieurs ouvrages à succès, dont son Petit cours d’autodéfense intellectuelle (Lux, 2005).
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Extrait
contre la réforme
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Normand Baillargeon
Contre la réforme
La dérive idéologique du système d’éducation québécois
Les Presses de l’Université de Montréal
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Baillargeon, Normand, 1958
Contre la réforme : la dérive idéologique du système d’éducation québécois (Champ libre) Comprend des réf. bibliogr. isbn9782760621435 eisbn9782760625495 1. Enseignement – Réforme – Québec (Province). 2. Systèmes d’enseignement – Québec (Province). I. Titre. II. Collection : Champ libre (Presses de l’Université de Montréal). lb2822.84.c3b34 2009 370.9714 c20099415070
Les Presses de l’Université de Montréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour leurs activités d’édition. Les Presses de l ’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).
imprimé au canada en septembre 2009
avantpropos
Cet ouvrage réunit quelquesuns des nombreux textes que j’ai fait paraître au cours des dernières années en opposition à la réforme de l’éducation qui s’est mise en place au Québec il y a une décennie. Dès le moment où cette réforme a commencé à se dessiner, j’ai manifesté mon opposition aux principales idées qu’elle préconisait. La position que je défendais alors, et que je n’ai cessé de défendre depuis, est expli citée et défendue dans les pages qui suivent et je n’y reviendrai pas ici. Par contre, je veux dire quelques mots sur ce qu’a signifié pour moi le fait d’adopter les positions critiques qui sont les miennes à l ’endroit de cette réforme. Je pense en effet que, pardelà l’anecdote biographique, il y a dans les réactions qu’ont suscitées mes prises de position des enseignements concernant le monde de l’éducation et qui intéresseront ceux et celles qui vou draient le changer.
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Je publie ces textes essentiellement pour deux raisons. La première est d’ordre accidentel. Un des textes qu’on lira ici—« Le constructivisme radical et les sept péchés
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capitaux de la réforme »— est paru à l’automne 2008, dans un ouvrage collectif dirigé par Robert Comeau et Josiane Lavallée. Les hasards du métier ont fait en sorte que le texte est paru amputé de toutes les notes de bas de page qu’il contenait dans la version que j’ai fait par venir à l’éditeur. C’est en soi une expérience plutôt désa gréable pour un auteur, surtout quand on prend des positions à la fois très impopulaires et polémiques. En republiant ici intégralement ce texte, je le rends dispo nible dans l’état où il doit être lu et je voudrais que la présente version, et elle seule, soit considérée comme officielle et autorisée. La deuxième raison, beaucoup plus importante, est que je voudrais que ces textes témoignent d ’un par cours critique qui s’est étendu sur plusieurs années, durant lesquelles j’ai voulu dénoncer les carences à mon avis très graves dans la vaste entreprise éducative qu’on implantait et dont nos enfants feraient les frais. Dans les textes qui suivent, je présente mes principaux argu ments en faveur de cette conclusion. Je soupçonne cependant qu’en consultant la section où est rappelée l’origine de ces textes, plus d’un lecteur sera étonné d’apprendre où ils ont d’abord paru : dans des revues de sociologie, de politique, d’affaires sociales, mais, à une exception près, jamais dans des revues d’édu cation. Ce n’est pas faute d’avoir essayé. J’ai en effet tenté, à plusieurs reprises mais sans suc cès, de faire entendre ma voix et mes idées à l’intérieur du monde de l’éducation. Ce fut peine perdue et, pour être entendu, il m’a donc fallu aller dans des revues d ’autres disciplines ou dans les grands médias. Dans le milieu de l ’éducation, il était interdit, sous peine de sanctions symboliques assez fortes, d’exprimer des
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réserves ou de formuler des critiques à l’endroit du sys tème qui se mettait en place. J’ai eu à payer un prix personnel et professionnel élevé pour l ’avoir fait, ce à quoi j’ai volontiers consenti ; et je sais que bien des enseignants sur le terrain ont,mutatis mutandis, vécu la même chose que moi. À mon sens, on touche ici quelque chose d’important —et qui doit être nommé—relativement au monde de l’éducation en général et à cette réforme en particulier, à savoir le caractère foncièrement idéologique de cer taines des convictions qui s’y expriment. C’est pourquoi les prises de position sont très largement imperméables à la discussion critique et très difficilement remises en question par ceux et celles qui y adhèrent. La leçon, me sembletil, mérite d’être méditée par quiconque voudrait changer la manière dont on pense et dont on pratique l’éducation dans notre société.
Normand Baillargeon Juin 2009
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chapitre 1
Une faillite philosophique
Nous nous trouvons désormais confrontés à ce fait paradoxal que l’éducation est deve nue un des principaux obstacles à l’intelli gence et à la liberté de penser. Bertrand Russell
À la fin de ce que plusieurs considèrent comme son chefd’œuvre, laThéorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, John Maynard Keynes fait remarquer qu’on aurait grand tort de se désintéresser des idées des économistes et des philosophes et que cette négligence peut avoir de graves conséquences. C’est que ces idées, explique Keynes, qu’elles soient justes ou non, sont géné ralement bien plus influentes qu’on ne l ’imagine, au point où il n’est pas exagéré de dire que le monde est, sur certains plans, essentiellement dirigé par elles. La conclusion qu’il tire de ces observations mérite d’être soulignée :
Des personnes d ’action et qui se croient volontiers à l’abri de l’influence des idées et des théories sont typiquement les esclaves de quelque économiste décédé. Et les fous au pouvoir dont on entend les vociférations ne sont que les porteparole des délires avancés quelques années aupara vant par un scribouilleur académique.