La douleur neuropathique est définie comme une « douleur secondaire à une lésion ou une maladie affectant le système somatosensoriel » [43]. Elle témoigne donc d’une véritable pathologie des systèmes nociceptifs. Elle survient dans la zone « désafférentée » correspondant au territoire d’innervation de la lésion et est associée à un déficit parfois important de la sensibilité aux stimulations tactiles ou thermiques. Ainsi toute lésion du système nerveux périphérique (polyneuropathies sensitives, douleur post-zostérienne, lésions nerveuses post-chirurgicales, sciatique chronique…) ou central (douleur après un accident vasculaire cérébral, lésions médullaires, sclérose en plaques…) peut-elle générer des douleurs neuropathiques (Tableau S10-P01-C07-I). Ces douleurs sont caractérisées par une symptomatologie particulière ainsi que par leur tendance à la chronicité et leur caractère réfractaire aux analgésiques conventionnels. Ce chapitre fait le point sur l’épidémiologie générale, le diagnostic, l’évaluation, les principaux mécanismes et la prise en charge symptomatique des douleurs neuropathiques.
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Extrait
Chapitre S10P01C07 Douleurs neuropathiques
NA NEATTAL ETDIDIERBOUHASSIR DI A
7 0 1C 0P0 S1
La douleur neuropathique est définie comme une « douleur secon daire à une lésion ou une maladie affectant le système somatosensoriel » [49]. Elle témoigne donc dune véritable pathologie des systèmes nociceptifs. Elle survient dans la zone « désafférentée » correspondant au territoire dinnervation de la lésion et est associée à un déficit parfois important de la sensibilité aux stimulations tactiles ou thermiques. Ainsi toute lésion du système nerveux périphérique (polyneuropathies sensitives, douleur postzostérienne, lésions ner veuses postchirurgicales, sciatique chronique…) ou central (douleur après un accident vasculaire cérébral, lésions médullaires, sclérose en plaques…) peutelle générer des douleurs neuropathiques (Tableau S10P01C07I). Ces douleurs sont caractérisées par une symptomatologie particulière ainsi que par leur tendance à la chroni cité et leur caractère réfractaire aux analgésiques conventionnels. Ce chapitre fait le point sur lépidémiologie générale, le diagnostic, léva luation, les principaux mécanismes et la prise en charge symptoma tique des douleurs neuropathiques.
Épidémiologie générale
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Une étude épidémiologique française, létude STOPNEP (study of the prevalence of neuropathic pain) a évalué pour la première fois la pré valence des douleurs neuropathiques en population générale au moyen de loutil de dépistage DN4 (douleur neuropathique en 4 questions) [17]. Selon cette étude, qui sest appuyée sur un échantillon représen tatif de lensemble de la population générale française, la prévalence des douleurs chroniques est de 31 % en population générale et celle des douleurs ayant des caractéristiques neuropathiques est de 6,9 %. Ces chiffres sont proches de ceux obtenus dans dautres études réalisées au RoyaumeUni avec un autre outil de dépistage (8 %) [48]. Dans létude STOPNEP, lintensité de la douleur neuropathique était modérée dans près de trois quarts des cas, représentant une prévalence des douleurs neuropathiques dintensité modérée à sévère de 5,1 %. Cette étude suggère fortement que la prévalence des douleurs neuro pathiques chroniques a été largement sousestimée. Létude a égale ment indiqué que limpact de la douleur neuropathique sur la qualité de vie, le sommeil et sur les symptômes anxieux et dépressifs était supé rieur à celui des douleurs non neuropathiques, et que ceci était lié de façon spécifique au caractère neuropathique de la douleur [3].
Diagnostic et évaluation clinique des douleurs neuropathiques : apport des outils spécifiques
Les douleurs neuropathiques se caractérisent par leur grande richesse dexpression sémiologique et associent généralement des douleurs conti nues (brûlures, sensations de froid douloureux…) ou paroxystiques
S10P01C07 • Douleurs neuropathiques
Tableau S10P01C07IClassification étiopathogénique des douleurs neuropathiques. Lésion focale (mononeuropathie/plexopathie/radiculopathie) (1) Lésion nerveuse posttraumatique/postchirurgicale – névrome, lésion partielle ou complète d’un tronc nerveux, compression, ischémie – douleur postamputation (névrome, douleur fantôme) – avulsion/étirement plexique – syndrome douloureux régional complexe (type II) Névralgie essentielle du trijumeau/du glossopharyngien Radiculopathie : sciatique, cruralgie, névralgie cervicobrachiale, autre Compression nerveuse – syndrome du canal carpien, du tunnel tarsien – névrome de Morton – syndrome de ParsonageTurner Douleur postzostérienne Diabète : cruralgie, névralgie intercostale, atteinte des nerfs crâniens Cancer : plexite tumorale ou radique, méningite carcinomateuse… Vascularite : lupus érythémateux systémique, périartérite noueuse Polyneuropathie/polyradiculonévrite Métabolique ou nutritionnelle : diabète, alcool, hypothyroïdie, carence en vitamine B1(pellagre, béribéri), carence en vitamine B12 Infectieuse ou postinfectieuse : VIH, syndrome du GuillainBarré, borréliose Médicamenteuse – antirétroviraux – chimiothérapie anticancéreuse : cisplatine, vincristine, taxol, oxaliplatine, bortézomid – autres : disulfiram, isoniazide, éthambutol, nitrofurantoïne, méthylthiouracil, métronidazole… Cancer – syndrome paranéoplasique – myélome multiple Toxique : arsenic, thallium, organophosphorés, acrylamide, éthylène oxyde Neuropathie héréditaire : maladie de Fabry, amylose, maladie de Charcot MarieTooth type 5 et type 2B Vascularite : syndrome de GougerotSjögren, lupus érythémateux systémique, sarcoïdose Autres : érythromélalgie, neuropathie sensitive idiopathique à petites fibres, neuropathie au froid Lésion du système nerveux central • Accident vasculaire cérébral (notamment tronc cérébral et thalamus) et médullaire, incluant infarctus, hémorragie et malformation vasculaire • Sclérose en plaques • Traumatisme crânien ou médullaire incluant les douleurs postcordotomie • Syringomyélie/syringobulbie • Tumeur cérébrale ou médullaire (gliome, cavernome, angiome, hémangioblastome, neurinome, schwannome…) • Abcès médullaire ou cérébral • Myélite (inflammatoire, infectieuse, postvaccinale, lupique, carence en vitamine B …) 12 • Crises épileptiques douloureuses • Maladie de Parkinson (1) Contextes habituels de douleurs neuropathiques postchirurgicales : – thoracotomie (lésion du nerf thoracique, parfois associée à un étirement du plexus brachial) ; – mastectomie (lésion du nerf intercostobrachial) ; – arthroscopie ou prothèse du genou (lésion du nerf infrapatellaire) ; – prothèse de hanche (lésion du nerf crural, rarement du nerf sciatique) ; – traitement chirurgical de syndrome canalaire (lésion du nerf médian ou de ses branches, notamment palmaires et interdigitales pour le canal carpien) ; – chirurgie abdominale (lésion du nerf crural ou iliohypogastrique) ; – cure de hernie inguinale (lésion du nerf ilioinguinal ou génitofémoral) ; –strippingde varices (lésion du nerf saphène) ; – avulsion de la dent de sagesse (lésion du nerf alvéolaire ou lingual) ; – chirurgie sinusienne (lésion du nerf infraorbitaire) ; – biopsie lymphatique (lésion des rameaux cutanés cervicaux et du nerf grand auriculaire). (Reproduit d’après Bouhassira D, Attal N. Les douleurs neuropathiques. Paris, Arnette Doin, 2011.)