Les éosinophilies et hyperéosinophilies se définissent par une expansion de la lignée éosinophile, au niveau sanguin ou tissulaire. Un chiffre d’éosinophiles supérieur à 0,5 × 109/l (500/mm3) définit selon les dernières recommandations internationales une éosinophilie, tandis que le terme d’hyperéosinophilie est réservé aux chiffres de polynucléaires éosinophiles supérieurs à 1,5 × 109/l (1 500/mm3).Parfois méconnues ou négligées, les hyperéosinophilies peuvent constituer un signe biologique révélateur de maladies potentiellement graves. L’enquête étiologique, souvent passionnante mais parfois -complexe, doit être systématiquement réalisée, quel que soit le chiffre de polynucléaires éosinophiles (PNE). Nous détaillerons dans cette mise au point l’ensemble des diagnostics à envisager en mettant l’accent sur les plus fréquents ou les plus sévères. Nous tenterons également de simplifier et déstandardiser le bilan à effectuer face à une hyperéosinophilie majeure.
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Les éosinophilies et hyperéosinophilies se définissent par une expan sion de la lignée éosinophile, au niveau sanguin ou tissulaire. Un 9 3 chiffre déosinophiles supérieur à 0,5×10 /l (500/mm ) définit selon les dernières recommandations internationales uneéosinophilie, tandis que le terme dhyperéosinophilieest réservé aux chiffres de polynu 9 3 cléaires éosinophiles supérieurs à 1,5×10 /l (1 500/mm ) [10]. Parfois méconnues ou négligées, les hyperéosinophilies peuvent constituer un signe biologique révélateur de maladies potentiellement graves. Lenquête étiologique, souvent passionnante mais parfois complexe, doit être systématiquement réalisée, quel que soit le chiffre de polynucléaires éosinophiles (PNE). Nous détaillerons dans cette mise au point lensemble des diagnostics à envisager en mettant laccent sur les plus fréquents ou les plus sévères. Nous tenterons éga lement de simplifier et destandardiser le bilan à effectuer face à une hyperéosinophilie majeure.
Rappels sur le polynucléaire éosinophile : une cellule trop longtemps négligée
Pendant des décennies, le PNE a été considéré comme un simple marqueur biologique dinfections parasitaires ou datopie. De nom breuses découvertes ont modifié cette vision réductrice en démon trant limplication du PNE dans linitiation et la propagation de signaux inflammatoires, la modulation de limmunité innée et/ou adaptative [8]. Le PNE est issu de la moelle osseuse à partir de cellules souches hématopoïétiques. Trois cytokines apparaissent essentielles pour la production de PNE matures : linterleukine (IL) 5, principale cytokine de léosinophilopoïèse, lIL3 et le GMCSF (granulocyte macrophagecolony stimulating factor). LIL5, majoritairement pro duite par les lymphocytes TH2 (mais aussi par les cellules lymphoïdes innées de type 2, les mastocytes, les basophiles, les cellules tumorales et les PNE euxmême), favorise la production, la différenciation et la libération sanguine des PNE. Cette voie de production de PNE est impliquée dans les hyperéosinophilies dites réactionnelles (parasi toses, atopie, cancer, etc.) mais aussi dans les syndromes hyperéosi nophiliques lymphoïdes (voirplus loin). LIL25 et lIL33 semblent aussi jouer un rôle important dans lhoméostasie éosinophile. Le PNE est ensuite rapidement attiré vers les tissus cibles sous linfluence de facteurs chimiotactiques spécifiques (éotaxines) ou non spécifiques (leucotriènes, C5a, C3a, cytokines). LIL5 inter vient aussi à cette étape en renforçant laction chimiotactique de CCL11, en augmentant lexpression de molécules dadhésion et en favorisant la libération de médiateurs inflammatoires par le PNE. Ladhésion à lendothélium, puis la migration tissulaire, sous linfluence du gradient de chimiokines, fait intervenir successive ment différentes molécules dadhésion : Psélectines, puis interaction
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entre des intégrines à la surface du PNE et les récepteurs endothé liaux (ICAM1 et VCAM1 notamment). Enfin, la survie au niveau tissulaire des PNE (par diminution de lapoptose) est favorisée par lIL5. Le rôle délétère que les PNE sont susceptibles de jouer dans de nombreux états pathologiques est lié à leur capacité à libérer, au sein de différents tissus, plusieurs types de médiateurs inflammatoires : il sagit principalement des protéines cationiques du PNE (major basic protein[MBP],eosinophil cationic protein[ECP],eosinophil peroxi dase[EPO] eteosinophil derivated neurotoxin[EDN]), mais aussi de cytokines, de médiateurs lipidiques, des radicaux oxygénés et des acides nucléiques (libération de TRAPS). On notera toutefois que ces protéines peuvent altérer ou détruire de nombreuses cibles : larves de parasites helminthes, mais aussi cellules tumorales ou encore cel lules épithéliales de lhôte. Doués dune « dualité fonctionnelle », les éosinophiles exercent une action bénéfique ou néfaste selon la cible de leur activité cytotoxique. Longtemps considérés comme des cellules « témoins » des affections parasitaires ou allergiques, les PNE ont acquis, au cours des dernières années, un statut unanimement reconnu d« acteurs » de la réponse immunitaire et sont considérés comme des polynucléaires multifonc tionnels. Acteurs des réponses immunes innées, les éosinophiles exercent, en plus de leur fonction cytotoxique et proinflammatoire, une fonction immunorégulatrice. Modulateurs locaux des fonctions lymphocytaires T et mastocytaires, les éosinophiles interagissent avec leur environnement tissulaire.
Démarche diagnostique : principes
Les hyperéosinophilies ont longtemps été considérées, à tort, comme un signe biologique mineur. Cependant, une hyperéosinophilie peut être un signe révélateur et un guide précieux pour lenquête diag nostique, lorsque les symptômes associés sont pauvres ou peu évoca teurs. Le plus souvent, lanamnèse et les premiers examens cliniques et paracliniques suffisent à définir la cause, comme dans un contexte 9 datopie connue et déosinophilie modérée (< 1×10 /l). Malheureu sement, ce signe biologique capital est trop souvent négligé, avec des conséquences cliniques parfois dramatiques (négligence dune hyperéosinophilie au cours dun prurit du sujet jeune, aboutissant à un retard diagnostique de plusieurs mois dune maladie de Hodgkin, par exemple). Une hyperéosinophilie ne doit donc jamais être négligée, même lorsquelle est asymptomatique. Lautre notion importante à considérer est la possibilité de lésions viscérales liées aux PNE, quels que soient les mécanismes sousjacents et la maladie causale. En dautres termes, toutes les manifestations cli niques observées dans les syndromes hyperéosinophiliques (SHE) peuvent sobserver, théoriquement, dans des hyperéosinophilies para sitaires, médicamenteuses ou encore tumorales. Pour preuve, on rap pellera que la description initiale de lendocardite fibroplastique de Löffler, ou fibrose endomyocardique (manifestation cardiaque la plus grave des syndromes hyperéosinophiliques) concernait des patients ayant des helminthiases chroniques (et non pas un syndrome hyper éosinophilique), et que cette cardiopathie peut compliquer lhyper éosinophilie des hémopathies lymphoïdes, telles la maladie de Hodgkin ou les hyperéosinophilies médicamenteuses.