Les dernières évaluations françaises en population générale confirment un niveau de consommation de substances psychoactives (SPA) significatif [2]. Il est, pour des raisons méthodologiques, difficile de comparer les chiffres actuels avec les consommations d’il y a 20 ou 30 ans ou de celles des pays limitrophes. Il paraît plus judicieux d’en constater l’importance et la relative stabilité malgré les campagnes de prévention, le niveau de dommages que ces consommations provoquent et les solutions sanitaires, politiques et sociales pour en limiter les risques et dommages.Les services d’accueil des urgences (SAU) sont un lieu réputé de rencontre des usagers de substances psychoactives, à la fois pour des raisons médicales évidentes (intoxication, sevrage « sauvage », complications médicochirurgicales ou des consommations), psychiatriques (tentatives de suicide, troubles du comportement, demandes d’aide) et sociales (précarité, lieu de soin réputé « gratuit », difficultés ou obstacles sociaux d’accès à la filière de soins ambulatoires).Bien que la présence des usagers de substances psychoactives au sein d’un SAU soit théoriquement indiscutable, elle a mauvaise réputation auprès des soignants qui se sont destinés à travailler aux urgences. Le « comportement auto-infligé » qui génère un trouble urgent peut provoquer l’agacement et des contre-attitudes avec un gradient d’acceptation indiscutable de la part des soignants : la douleur thoracique du grand fumeur est mieux acceptée que le trouble du comportement provoqué par une intoxication alcoolique aiguë (IEA). L’intoxication alcoolique aiguë et sa prise en charge usuelle au SAU illustrent de manière caricaturale ce mélange d’accueil brutal et culpabilisant et d’intérêt médical limité qui favorise la sortie rapide du patient et/ou sa fugue.
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Extrait
Chapitre S08P01C10 Toxicomanie et addictions aux urgences
A P S K RNAUD LAT ET OPHIE ALAMARIDES
00 1 00
0 1 C 1 0 P 8 0 S
Les dernières évaluations françaises en population générale confir ment un niveau de consommation de substances psychoactives (SPA) significatif [2]. Il est, pour des raisons méthodologiques, difficile de comparer les chiffres actuels avec les consommations d’il y a 20 ou 30 ans ou de celles des pays limitrophes. Il paraît plus judicieux d’en constater l’importance et la relative stabilité malgré les campagnes de prévention, le niveau de dommages que ces consommations pro voquent et les solutions sanitaires, politiques et sociales pour en limiter les risques et dommages. Les services d’accueil des urgences (SAU) sont un lieu réputé de ren contre des usagers de substances psychoactives, à la fois pour des rai sons médicales évidentes (intoxication, sevrage « sauvage », complications médicochirurgicales ou des consommations), psychia triques (tentatives de suicide, troubles du comportement, demandes d’aide) et sociales (précarité, lieu de soin réputé « gratuit », difficultés ou obstacles sociaux d’accès à la filière de soins ambulatoires). Bien que la présence des usagers de substances psychoactives au sein d’un SAU soit théoriquement indiscutable, elle a mauvaise réputation auprès des soignants qui se sont destinés à travailler aux urgences. Le « comportement autoinfligé » qui génère un trouble urgent peut pro voquer l’agacement et des contreattitudes avec un gradient d’accepta tion indiscutable de la part des soignants : la douleur thoracique du grand fumeur est mieux acceptée que le trouble du comportement pro voqué par une intoxication alcoolique aiguë (IEA). L’intoxication alcoolique aiguë et sa prise en charge usuelle au SAU illustrent de manière caricaturale ce mélange d’accueil brutal et culpabilisant et d’intérêt médical limité qui favorise la sortie rapide du patient et/ou sa fugue. Parallèlement, les professionnels de l’addictologie ont relevé depuis longtemps que les SAU étaient un lieu de rencontre possible avec les usagers à problèmes, à la fois au début de leur trajectoire avec les sub stances psychoactives (première ivresse, premiers traumatismes sous substances psychoactives, premierbad trip, première tentative de sui cide) ou plus tard alors que la dépendance est installée (syndrome de sevrage à l’alcool, aux opiacés, décompensation somatique, overdose, demande de soins…). Un entretien bref et structuré centré sur la consommation, par un soignant formé, avec l’usager a démontré son efficacité en influençant favorablement la consommation des usagers à court et moyen termes [8]. Les enjeux que nous proposons d’exposer ici, sont de plusieurs ordres : – connaître le type d’usagers de substances psychoactives rencontrés au SAU ; – connaître les substances psychoactives les plus fréquemment impliquées actuellement dans le motif d’admission au SAU ; – connaître les techniques de repérage de l’usage à problèmes de substances psychoactives ;
S08P01C10 • Toxicomanie et addictions aux urgences
– connaître la place des urgentistes et des équipes de liaison en addictologie dans l’orientation des usagers à problèmes ; – un inventaire non exhaustif des problématiques non consen suelles.
Différents types d’usagers
Nonconsommateurs
Parmi eux, certains présentent des complications de leur usage passé (hépatopathie, infection virale chronique) et/ou une potentielle vulné rabilité concernant certains traitements (benzodiazépines, opiacés). Ceux qui déclarent être en rémission récente de leur dépendance peuvent être mis en difficultés par leur séjour aux urgences pour un problème de santé intercurrent. On peut inclure dans cette catégorie les patients stabilisés sous trai tements de substitution aux opiacés (TSO) (buprénorphine ou métha done), bien qu’ils doivent faire l’objet de précaution particulière [5].
Usagers sans problème
Ils déclarent des consommations de substances psychoactives (licites ou non) mais déclarent ne pas avoir de difficultés. Leur venue au SAU est sans lien avec cette consommation.
Usagers à problèmes
Ils déclarent ou présentent dès leur arrivée des antécédents de pas sages itératifs au SAU et/ou des problèmes liés à leur consommation. Le motif de passage au SAU peut ne pas être en lien avec le problème de consommation (ou ne pas être évident à l’examen d’entrée du patient). Parmi les usagers à problèmes, il existe un sousgroupe spéci fique mais non majoritaire, les patients dépendants : à l’alcool (alcoolodépendants), aux substances illicites (réunis sous le terme générique et de plus en plus abandonné detoxicomanes), aux opiacés (héroïne, médicaments à base de morphine ou codéine ou tramadol), aux psychostimulants (cocaïne, amphétamines, MDMA…), au canna bis, aux benzodiazépines ou apparentés, aux drogues de synthèse (GHB/GBL, cathinones…). Enfin, parmi les dépendants, certains d’entre eux peuvent présenter des effets secondaires sévères du traite ment de leur dépendance (traitement de substitution aux opiacés, trai tement antabuse…). Cette classification n’est pas facilement applicable, car les déclara tions des patients sont soit : – absentes (le plus souvent le statut tabagique est renseigné. Cela est moins fréquent pour les autres substances psychoactives dont l’alcool, car questionner sur l’usage de substances psychoactives est considéré par les soignants comme stigmatisant). Parfois, le patient est d’emblée suspecté d’être consommateur sur des arguments le plus souvent très subjectifs et discutables. Il est fréquent dans ce cas de figure que le patient ne soit pas interrogé sur le sujet ; – présentes mais remises en cause car il existe une tendance à la sous estimation des dommages chez les consommateurs (en lien avec la stig matisation des consommateurs à problèmes de substances psycho actives). Cette sousestimation qui est résumée sous le termedéni, est très influencée par la manière dont les soignants s’entretiennent avec les patients.