Le livre de Nishida Kitarō (1870-1945), quatrième volume de l’édition de 1965 des œuvres complètes, est offert pour la première fois ici en traduction intégrale. Composé de neuf essais rédigés entre 1923 et 1927, cet ouvrage marque la transition vers la philosophie originale caractérisant Nishida. Ce tournant est directement exprimé dans le titre « De ce qui agit à ce qui voit ». Partant d’une position qui considère la réalité fondamentale ou réalité véritable en tant que point d’unité des choses qui agissent, l’auteur passe à « ce qui voit », c’est-à-dire à une position qui met en scène le « plan d’englobement » de la réalité, soit une philosophie de la relation organisant en une vaste fresque tous les plans du réel, de même que les rapports mutuels établis entre tous leurs éléments constituants. Kitarō Nishida (1870-1945) est un philosophe japonais, fondateur de l’École de Kyoto, qui a cherché à marier la philosophie occidentale avec la spiritualité issue des traditions extrême-orientales. La traductrice Jacynthe Tremblay est titulaire d’une double spécialisation en philosophie de la religion et en philosophie japonaise, Jacynthe Tremblay habite au Japon (Sapporo), où elle poursuit une carrière de recherche centrée sur la philosophie de Nishida Kitarô. Elle a aussi dirigé plusieurs publications collectives portant sur la philosophie japonaise du XXe siècle.
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Extrait
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nishida kitaro De ce qui agit à ce qui voit
Traduction de Jacynthe Tremblay
Les Presses de l’Université de Montréal
Dàns à mêmé coécîon
B B, avec la collaboration de V M Le Japon au ravaî
H F Conucîus, du proane au sacré
C L B Le Wen zî à a umîère de ’Hîsoîre e de ’arcHéoogîe
Sous la direction de C L B et R M ApprocHes crîîques de a myHoogîe cHînoîse
J Z. L et F W La popuaîon cHînoîse : myHes e réaîés
Sous la direction de L M e ApprocHes crîîques de a pensée japonaîse du xx sîèce
Sous la direction de Y S-S La Corée, e peupe e ses vaeurs cuurees d’Hîer à aujourd’Huî
Sous la direction de R S et G T Traîs cHînoîs/Lîgnes rancopHones
J D. S La CHîne îmagînaîre. Les CHînoîs vus par es OccîdenauX de Marco Poo à nos jours
Ce livre a été publié grâce au « Fonds pour les études concernant la pilosopie de Nisida » (金基究研学哲西田, he Fund for te Studies of Nisida Pilosopy), octroyé à la traductrice en par l’« Association pilosopique nisidienne »(学会田哲西).
Mise en pages : Yolande Martel
Caaogage avan pubîcaîon de BîbîoHèque e ArcHîves naîonaes du Québec e BîbîoHèque e ArcHîves Canada
Nisida, Kitarō, - [Hataraku mono Kara miru mono e. Français] De ce qui agit à ce qui voit (Sociétés et cultures de l’Asie du Sud-Est) Traduction de : Hataraku mono Kara miru mono e. Comprend des références bibliograpiques. ---- e . Réalité. . Pilosopie japonaise – siècle. I. Tremblay, Jacynte, - . II. Titre. III. Titre : Hataraku mono Kara miru mono e. Français. . ’. --
Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).
Introduction
« Le moi doit être non pas un point, mais un cercle ; non pas une cose, mais un lieu » (NKZ : ).
Le livre de Nisida Kitarō (-) intituléDe ce quî agî à ce quî 1 voîest, quatrième volume de l’édition de des œuvres complètes offert pour la première fois ici en traduction intégrale. Composé de neuf essais rédigés entre et , cet ouvrage marque la transition vers la pilosopie originale caractérisant cet auteur. Il est réputé, avec raison, pour son extrême difficulté et sa complexité. Mais simul-tanément, il exerce une grande fascination à cause de la profondeur des analyses qui y sont présentées. Il est connu surtout pour le concept de « lieu » qui y est développé explicitement pour la première fois. Ce tournant de la pensée de Nisida est directement exprimé dans le titre « De ce qui agit à ce qui voit ». Partant d’une position qui considère la réalité fondamentale ou réalité véritable en tant que point d’unité des coses qui agissent, l’auteur passe à « ce qui voit », c’est-à-dire à une position qui met en scène le « plan d’englobement » de la réalité ou encore son « lieu ». Dans les propos qui suivent, nous nous efforcerons de fournir aux lecteurs tous les moyens nécessaires pour mieux aborder et com-prendre ce livre, tout d’abord en en exposant la question centrale. En ce qui concerne le détail des neuf capitres, une « Notice » explicative a été ajoutée au début de cacun d’entre eux au profit des lecteurs occidentaux non spécialistes de Nisida ; elle tire dans caque cas le fil conducteur permettant de s’orienter et de comprendre l’agen-cement des problèmes pilosopiques principaux.
. Le lecteur trouvera les notes, la bibliograpie, l’index et un glossaire sur le site web des PUM à : www.pum.umontreal.ca/catalogue/de-ce-qui-agit-a-ce-qui-voit
Là ossîbîîÈ dé à connàîssàncé dé à ÈàîÈ vÈîàbé
Le but premier poursuivi dansDe ce quî agî à ce quî voî est de répondre à cette unique question : comment la connaissance de la réalité véritable est-elle possible ? Nisida s’y applique de manières plurielles dans cacun des neuf capitres du livre. Cela ne requit de sa part rien de moins qu’un réexamen de l’ensemble de l’épistémolo-gie, plus spécifiquement des tèmes qu’il mentionne dans sa propre préface. Fait important, ces réseaux conceptuels sont toujours condi-tionnés par l’une ou l’autre des diverses figures prises par la réalité véritable. Lors de l’analyse de cacune d’entre elles, Nisida tente d’effectuer une percée de la spère de la connaissance, non pas au moyen d’une fuite unilatérale dans la transcendantalité de l’esprit, mais vers des facultés qu’il considère comme de plus en plus proces du donné extraépistémologique. Limitons-nous ici à en mentionner brièvement quelques exemples. Des détails plus complets seront fournis dans la notice explicative qui précède cacun des capitres de la traduction qui suit. À l’analyse de l’« individu » (l’îndîvîduum aristotélicien) corres-pond l’établissement du système des universels abstraits. Nisida s’efforça d’écelonner ceux-ci conformément à leur connotation, c’est-à-dire à leur proximité plus ou moins grande avec l’individu qui, selon lui, devrait pouvoir être connu, malgré l’affirmation aristotéli-cienne stipulant que seule une connaissance de l’universel est possible (le particulier lui-même étant déjà un universel). À un questionnement au sujet du statut de « ce qui est donné directement » vient répondre une réévaluation du rôle de ce à quoi il est donné, à savoir suivant le cas la perception, la sensation, la pensée, le soi et la connaissance. Au donné extraépistémologique pris sous l’aspect des « forces » correspond la volonté, à laquelle Nisida a toujours accordé une attention particulière. À l’« expérience immé-diate », celle où est encore absente ou tout simplement ors de propos toute séparation du sujet et de l’objet s’armonise le tème de l’intui-tion dont Nisida s’applique à exposer la signification, selon lui iné-dite, avec un soin méticuleux. L’expression aristotélicienne « sujet qui ne devient pas prédicat », quant à elle, pousse le pilosope à analyser en détail le domaine de la prédication et à établir, en contrepartie, un « plan du prédicat transcendant », lequel s’étend de l’universel du jugement jusqu’aux
ïnroducîon
confins de la connaissance puis, une fois celle-ci dépassée, jusqu’au « prédicat qui ne devient pas sujet ». Nisida parvient ainsi à déborder la spère de l’épistémologie et à rejoindre, suivant une métodologie qui sera exposée ci-après, l’individu qu’il s’agit précisément de con-naitre et qui apparaitra, à terme, sous les traits, esquissés de manière innovatrice, d’un « universel concret ». En ce qui concerne la « réalité véritable » elle-même, elle va de pair avec le « soi véritable ». Le soi, il va sans dire, est unique. Il opère cependant à divers niveaux, prenant caque fois la qualité de la faculté qui est l’objet de l’analyse nisidienne (soi sensible, soi pensant, soi volontaire, soi intuitif, etc.). S’élargissant à la mesure du plan du prédicat et simultanément à lui, le soi peut devenir, sous sa forme véritable, en pase avec la réalité véritable et en permettre enfin la connaissance. Suivant le vocabulaire nisidien, il serait plus appro-prié de parler d’« approce », de « saisie » ou encore de « contact » avec la réalité véritable puisque ce type de rapport s’établit dans un domaine qui dépasse la connaissance conceptuelle, selon un mode qui sera exposé plus loin.
Uné énsÈé én àboéscéncé
Nisida traite des tèmes qui viennent d’être évoqués et d’un grand nombre d’autres encore à travers une série de circonvolutions qui pourraient sembler interminables. Or, en dépit des apparences et de tout ce qu’on s’est cru autorisé à affirmer au sujet du soi-disant carac-tère obscur de son style (voir l’avant-dernière section de cette intro-duction), Nisida était éminemment logique, précis et clair, même si sa pensée a parfois l’air de s’engager dans des voies sans issue. Mais plutôt que d’errer, elle explore toutes les avenues possibles, sans jamais perdre de vue ses buts. Il n’en demeure pas moins qu’il serait facile de se perdre dans le foisonnement des tèmes développés dansDe ce quî agî à ce quî voî. De quelle manière peut-on éviter de s’égarer dans les méandres d’une pensée stylistiquement peu abituelle ? En reconnaissant d’abord, pour employer une analogie tirée du langage musical, qu’elle ne consiste pas tant en une ligne mélodique unique qu’en une polypo-nie très serrée et complexe. En réalité, il est souvent difficile de diffé-rencier les diverses voix qui s’y répondent ou encore de percevoir quel rapport telle voix peut bien entretenir avec toutes les autres.
Les titres des différents capitres qui composent l’ouvrage aident à coup sûr à identifier le tème ponctuel de cet assemblage de voix. Celui-ci est toutefois toujours étroitement relié à un ensemble d’autres tèmes et développé simultanément à eux. En réalité, les titres des capitres sont pour Nisida davantage une orientation ou encore un point d’ancrage permettant d’examiner dans caque cas et à nou-veaux frais l’ensemble des problèmes qui l’intéressent. Une interprétation commode serait de voir dans ce style nisidien l’avatar d’une pensée asiatique n’ayant pas encore su se conformer à un linéarisme de type cartésien. Tout bien considéré, cependant, il est beaucoup plus probable que les particularités de la pensée de Nisida aient été dues à un intellect exceptionnellement doué. Le clivage ne se trouverait donc pas au niveau des différences entre mode de pensée « occidental » et mode de pensée « asiatique », lequel clivage, incidemment, repose sur des présupposés pas toujours exempts d’un certain sentiment de supériorité occidentale. Il résiderait dans la différence entre le mode de pensée abituel et un mode de pensée en réseau, ainsi que Jeanne Siaud-Faccin l’a exposé avec une grande clarté dans ses ouvrages sur la douance. La pensée abituelle se conforme à une ligne progressive qui est encore souvent considérée comme la seule manière de penser et d’écrire de manière « logique ». Elle fait se succéder les idées et para-grapes d’un essai suivant l’encainement le plus rigoureux possible. D’où l’étrangeté première des essais de Nisida, qu’on pourrait être entrainé trop vite à qualifier de « désordonnés », voire d’illogiques. Rien n’est plus éloigné de la réalité lorsqu’on met en évidence le fait qu’il existe un autre mode de pensée, en arborescence, qualitati-vement différent du premier. Caque idée y « génère une ramification de nouvelles idées qui à leur tour et pour cacune d’entre elles vont 2 produire de nouvelles associations et ainsi de suite » . De ces connexions multiples émergent des connaissances, voire des téories caque fois inédites qui n’auraient pu voir le jour autrement. Il se révèle ainsi que le foisonnement de tèmes qui s’entrecroisent dansDe ce quî agî à ce quî voîet qui est directement transposé en français dans la traduction qui suit témoigne du fait qu’il n’était pas aisé pour Nisida de retraduire sur papier une pensée qui fonction-nait par arborescence. Autrement dit, toute idée ou tout concept se divise et se subdivise pour donner lieu à une pluralité de concepts et d’associations nouveaux. La pensée de Nisida, toujours en exercice,